Même si Martin Dumont a changé son témoignage accablant sur Gérald Tremblay, Pauline Marois ne regrette pas d'avoir poussé à la sortie l'ex-maire de Montréal.

«Nous n'avons pas largué M. Tremblay, a-t-elle réagi. Nous avons demandé à M. Tremblay de faire une réflexion. S'il avait pris une autre décision, j'aurais respecté sa décision.»

Jean-François Lisée a été plus direct aujourd'hui que la première ministre. Il a reconnu que son gouvernement souhaitait à l'époque que le maire cède sa place. «Mais ce n'est pas du tout en fonction (du témoignage de Martin Dumont) qu'on lui a demandé de réfléchir. C'est sur la base de sa capacité politique à diriger Montréal», a-t-il précisé.

«On avait un maire qui pendant des années avait désigné à des postes-clé des gens qui sont aujourd'hui d'intérêt pour la justice. Il y avait une question de crédibilité et de capacité d'agir (...) On a posé le diagnostic politique que dans l'état des choses, il n'avait plus la crédibilité nécessaire», a-t-il ajouté. La décision ultime a été prise par M. Tremblay.

Avant même le témoignage de M. Dumont, d'autres élus réclamaient aussi le départ, du moins temporaire, de M. Tremblay pour des raisons similaires. Parmi eux: le solidaire Amir Khadir, le caquiste Jacques Duchesneau puis le libéral Robert Poeti, qui se préoccupaient des dérives éthiques sous l'administration Tremblay.

Le 31 octobre, la première ministre demandait à M. Tremblay de «prendre un temps d'arrêt» pour «faire une réflexion en profondeur». «Est-ce qu'il s'est fermé les yeux ou pas? Sa crédibilité est beaucoup minée à l'heure actuelle», lançait-elle. Son ministre des Affaires municipales, Sylvain Gaudreault, affirmait que la situation devenait «très, très, très, très difficile» pour le maire.

La veille, M. Dumont alléguait que le maire avait quitté la salle en voyant une preuve de la double comptabilité de son parti Union Montréal. «Je n'ai pas à voir ça», aurait déclaré le maire, selon ce qu'avait affirmé le témoin Dumont sous serment. Talonné par les enquêteurs de la commission, il a changé depuis sa version.

«M. Tremblay a pris sa décision, on ne l'a pas forcé à prendre une décision en ce sens-là», a dit aujourd'hui Mme Marois. Des sources ont toutefois confié à La Presse que selon le maire lui-même, le coup fatal est venu du gouvernement, et non de Martin Dumont. C'est en voyant que le gouvernement l'abandonnait que le maire a choisi de démissionner. Il l'aurait confié aux enquêteurs de la commission en décembre. Il avait parlé à Mme Marois le samedi 3 novembre. Le lundi suivant, il quittait la politique.

Le ministre Lisée assure que l'automne dernier, il donnait le bénéfice du doute à M. Tremblay, et insistait sur le fait que les allégations de M. Dumont n'étaient pas corroborées par d'autres témoins. «On est en présence d'allégations que la Commission semble juger crédibles puisqu'elle accepte que le témoin les fasse à la barre. On est un peu comme vous. On est un peu atterrés de cette situation», déclarait-il en octobre.

Il disait accorder le bénéfice du doute à M. Tremblay, et avoir «hâte» qu'il puisse donner sa version des faits à la commission.

Pauline Marois a affirmé aujourd'hui qu'elle faisait encore confiance à la commission. Elle a toutefois servi cette mise en garde à peine voilée. «Nous attendons d'elle de la rigueur. Je souhaite qu'elle en ait, parce que évidemment, les dommages collatéraux peuvent être très graves. Je fais confiance à leur intégrité et à leur sens des institutions», a-t-elle dit.

Comme la première ministre, M. Lisée ne regrette pas le départ du maire Tremblay. Selon lui, Montréal est devenue «plus crédible» avec son administration de coalition dirigée par un nouveau maire indépendant, et elle est ainsi «mieux équipée» pour combattre la corruption.