Les plus vieux, les plus fortunés et les non-francophones au Parti libéral (PLQ). Les Montréalais plus pauvres et scolarisés à Québec solidaire (QS), peu importe leur position sur la question nationale. Les hommes un peu moins scolarisés et plutôt fortunés à la Coalition avenir Québec (CAQ). Et les francophones nationalistes des régions-ressources au Parti québécois (PQ). Voici le portrait-robot de l'électorat de septembre dernier, selon une étude d'Éric Bélanger et de Richard Nadeau, politologues aux universités McGill et de Montréal.

Du 12 au 25 septembre dernier, les chercheurs ont sondé 1505 Québécois sur l'internet. La marge d'erreur ne s'applique pas. Leurs données sous-estiment de 6 % les votes au PLQ, et surestiment de 7 % ceux au PQ. «Les autres sondages ont aussi sous-estimé l'appui au PLQ. Peut-être que les gens étaient gênés de le dire. Quant au PQ, il y a peut-être eu un effet de sympathie à la suite de l'attentat au Métropolis», avance M. Bélanger. Les résultats seront présentés aujourd'hui à l'Université Laval dans un colloque organisé par le Centre pour l'étude de la citoyenneté démocratique.

L'étude catégorise les électeurs en fonction de leur groupe d'âge, leur sexe, leur langue, leur revenu, leur scolarité ainsi que leur position sur deux axes: gauche/droite et la question nationale. À l'aide d'une régression logistique, on réussit à isoler l'effet de ces différentes variables, explique M. Bélanger.

Il y a encore une fracture autour de la langue. Le PLQ obtient la majorité de ses appuis auprès des non-francophones. Ils comptent pour 57 % de ses électeurs. Sans surprise, c'est le contraire pour le PQ. Pas moins de 98 % de ses électeurs sont francophones. Même si elle a courtisé les anglophones et obtenu l'appui de l'ancien chef du Parti égalité Robert Libman, la CAQ n'a pas réussi à les attirer. On compte 94 % de francophones parmi ses électeurs. C'est encore plus que Québec solidaire (88 %). Les appuis du parti de gauche se concentrent en très grande partie à Montréal, où se trouve aussi la majorité des non-francophones.

La question nationale structure encore le choix des électeurs. Le clivage traditionnel s'observe toujours entre péquistes et libéraux. Mais il diminue beaucoup pour les autres partis. La CAQ, qui propose de mettre ce débat entre parenthèses, attire un peu plus les fédéralistes que les souverainistes. Un fédéraliste a 23 % plus de chances d'appuyer la CAQ qu'un souverainiste.

Même si QS est souverainiste, cette position ne s'observe pas dans son électorat. Ils sont à gauche avant d'être souverainistes. La question nationale «ne pèse pas de manière significative» chez eux. «Leur opinion sur la question nationale ne motive pas leur appui au parti», observe M. Bélanger.

L'électorat de QS est le moins nombreux et aussi le plus homogène. C'est le plus scolarisé. On y compte la plus grande proportion de diplômés universitaires (71 %). Les trois autres partis se situent dans les 50 %. C'est aussi le seul qui compte une majorité de gens (54 % de ses électeurs) gagnant moins de 56 000 $ par année (la valeur médiane de l'échantillon). Les gens plus fortunés se retrouvent en plus grande proportion au PLQ et aussi à la CAQ, quoique dans une moindre mesure.

Pour l'âge, seuls les électeurs libéraux et les solidaires se distinguent de la moyenne. Les solidaires sont les plus jeunes. Près de la moitié (46 %) de leurs électeurs ont de 18 à 34 ans. C'est le contraire pour les libéraux, dont la moitié des électeurs ont 55 ans ou plus.

Pour le sexe, seule la CAQ se démarque. Même si François Legault avait lancé une offensive de charme durant sa campagne en montrant souvent sa femme et ses candidates, les femmes hésitent à l'appuyer. Elles composent 43 % de son électorat. «L'électorat de la CAQ ressemble beaucoup à celui de l'Action démocratique du Québec», résume M. Bélanger.

Pauline Marois, première femme à faire campagne pour diriger le Québec, n'a pas particulièrement attiré les femmes.

Les électeurs de la CAQ et du PLQ se disent un peu à droite, tandis que ceux du PQ se disent un peu à gauche. Et ceux qui s'éloignent le plus du centre sont les solidaires, nettement à gauche.

Les péquistes étaient les moins campés dans le débat sur la hausse des droits de scolarité. Ils étaient un peu contre. Leur opposition à la hausse était moins marquée que ne l'était l'appui des libéraux et des caquistes.