Le ministre québécois de la Sécurité publique accuse Ottawa de pelleter dans la cour des provinces la facture de l'ordre public dont le gouvernement Harper se targue pourtant d'être le champion.

Stéphane Bergeron prévient qu'il refusera catégoriquement de payer toute facture que pourrait lui transmettre l'armée en cas de catastrophe naturelle. Et pas question non plus de prendre à sa charge le financement de l'escouade Éclipse.

«Ce n'est pas vrai qu'on va accepter que le gouvernement fédéral pellette ses compressions budgétaires dans la cour du Québec. On est nous-mêmes en situation de compressions budgétaires», a dénoncé Stéphane Bergeron, en entrevue à La Presse.

Le ministre qualifie de «ridicule» la décision du ministère de la Défense de refiler aux provinces la facture pour l'assistance de ses soldats. «Les Québécois paient déjà pour l'entretien des Forces armées canadiennes, dont l'un des mandats est de venir en aide aux populations civiles lorsque les circonstances le réclament. On n'entretient pas les Forces armées uniquement pour aller faire la guerre.»

«Tant que le Québec fait partie de ce pays, le gouvernement du Canada a la responsabilité de protéger les Québécois. On n'a pas d'affaire à payer pour ça. Si le fédéral ne veut pas acquitter ses responsabilités au Québec, il y a une solution et c'est la souveraineté», tonne M. Bergeron.

Des experts se sont dits inquiets que la décision de l'armée ne mène des provinces à trop tarder avant de réclamer de l'aide par crainte de recevoir une facture salée. «Si une situation qui requiert l'assistance de l'armée survenait, nous n'hésiterions pas un instant, tient à assurer le ministre Bergeron. Je serais surpris de voir le gouvernement du Canada rester les bras croisés et ne pas intervenir sous prétexte qu'il y a une question d'argent derrière ça.»

La décision des Forces canadiennes risque de coûter cher aux provinces. Cette pratique aurait ainsi coûté 44 millions au Québec si elle avait été vigueur à l'époque de la crise du verglas de 1998. Recevoir une facture de l'armée aurait été le comble de l'insulte, dit M. Bergeron, puisque la province réclame plutôt une compensation d'Ottawa de 86 millions.

Pas d'argent pour Éclipse

Dans la foulée, Stéphane Bergeron prévient que Québec n'a pas l'intention de remplacer Ottawa dans le financement de l'escouade Éclipse, menacée de disparaître avec le retrait annoncé d'Ottawa. «Le gouvernement fédéral ne peut pas retirer ses billes après avoir créé des attentes, créé des besoins et créé des résultats.»

Même s'il reconnaît les résultats «très efficaces» des policiers de cette escouade dans la lutte contre le crime organisé, le ministre estime que «ce n'est pas au gouvernement du Québec de payer pour des initiatives fédérales. Si le fédéral y croit vraiment, qu'il maintienne son financement».

Le responsable de la Sécurité publique à la Ville de Montréal, Christian G. Dubois, a pour sa part écrit jeudi au ministre fédéral de la Sécurité publique, Vic Toews, pour solliciter une rencontre. Il souhaite le convaincre de maintenir le financement de «ce groupe spécialisé qui contribue à renforcer le sentiment de sécurité sur le territoire de la ville de Montréal en exerçant une pression constante et une vigie des activités des groupes criminalisés présents».