La décision du gouvernement Marois de reconsidérer «des milliards» de projets d'immobilisation dans le réseau de la santé a fait sortir de ses gonds l'ancien ministre Yves Bolduc.

Dans une intervention d'une rare intensité mardi à  l'Assemblée nationale, le Dr Bolduc a vertement critiqué son successeur, le Dr Réjean Hébert, pour l'incertitude qui plane sur le projet d'agrandissement de l'hôpital d'Alma. Québec s'était engagé à agrandir le service des urgences, a fait valoir M. Bolduc. Or, rien ne paraît sûr désormais même si on a injecté 10 millions dans un nouveau stationnement.

«Tu viens de démontrer complètement que tu ne connais pas ton réseau de la santé et que tu ne connais pas du tout tes dossiers. Vas-y donc à Alma!», a déclaré le Dr Bolduc, reprochant à son successeur une «totale incompétence». Pour le ministre Hébert, le cas d'Alma est un exemple des annonces prématurées faites par le gouvernement Charest, des promesses purement politiques dont les budgets n'avaient pas été approuvés par le Conseil du Trésor.

«Parce qu'ils ont décidé de donner des bonbons électoraux, le Parti québécois a décidé de faire payer le système de santé et d'attaquer directement les soins aux patients. Après avoir annoncé aux Québécois une diminution du nombre de chirurgies et des coupures drastiques dans les médicaments, dont ceux pour le cancer, le Parti québécois retarde et annule des projets immobiliers. Il est inacceptable qu'on coupe directement dans les budgets des hôpitaux et retarde des investissements nécessaires», a lancé l'ex-ministre Bolduc.

«Irresponsabilité»

«Vous avez parcouru le Québec en annonçant des hôpitaux et des immobilisations partout sans vous assurer que c'était attaché au niveau des budgets. Et ça, c'est de l'irresponsabilité qui fait qu'on attend des constructions, alors qu'il n'y a jamais eu de budget», lui a répliqué le ministre Hébert. Le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon a senti le besoin de rappeler à l'ordre M. Bolduc, lui rappelant qu'on ne s'interpellait pas directement, et surtout qu'on ne se tutoyait pas au Salon bleu.

Pour le ministre Hébert, quand le PQ a pris le pouvoir, à la Santé, «c'était la débandade en termes de contrôle de coûts».

En point de presse plus tard, Yves Bolduc a rendu publique la liste des priorités du ministère de la Santé quand il était titulaire du portefeuille. L'hôpital d'Alma arrivait en 3e position, sur 13, les améliorations proposées totalisaient 35 millions et 20 étaient engagés dans le «plan quinquennal d'immobilisation» qui prévaut d'ici 2016.

Tout de suite après, le ministre de la région, Alexandre Cloutier, est venu pour rassurer sa région, les projets d'infrastructures en santé qui sont budgétés seront réalisés, mais il n'a pas pu dire si le projet d'Alma était budgété.

Investissements remis en question

Plus tôt, hier, confirmant les informations publiées par La Presse, le ministre Hébert a annoncé que le gouvernement Marois comptait remettre en question beaucoup d'investissements dans le réseau de la santé, des annonces réalisées juste avant les élections, pour lesquelles Québec n'avait rien prévu dans les plans d'immobilisation.

Le Dr Hébert a refusé toutefois de préciser quels projets seront mis en veilleuse. «Il y a eu une irresponsabilité du gouvernement libéral, qui a annoncé des projets un peu partout au Québec, a soutenu le Dr Hébert à son arrivée à la réunion des députés péquistes. On est à regarder des milliards d'annonces faites par le gouvernement libéral et qui ne sont pas attachées. Des projets vont être reportés dans toutes les régions du Québec, à Montréal comme ailleurs. Dans les régions, ces projets sont importants, ils sont portés par la communauté, mais il est important de donner l'heure juste.» Québec va annoncer dans le budget quels projets vont rester dans les cartons.

Les projets du CHUM et du CSUM ne sont pas compromis, mais les coûts sont réexaminés. L'hôpital anglophone dépasse de 60 millions les prévisions. Quant à l'établissement francophone, les dépassements sont moins importants, a dit le ministre.

Dépassement de coûts

De son côté, le président du Conseil du Trésor, Stéphane Bédard a soutenu qu'il n'avait pas encore reçu le rapport de KPMG chargé de vérifier le processus de décision dans une vingtaine de contrats importants d'infrastructures, dont les coûts ont augmenté en moyenne de 80% depuis leur lancement. Le rapport devrait être rendu public en marge du budget déposé la semaine prochaine par le ministre des Finances Nicolas Marceau.

Pour celui-ci, Québec va annoncer la semaine prochaine les mesures qu'il compte prendre pour maîtriser les coûts des infrastructures.

«Il y a une façon de faire qui était complètement négligente de la part de l'ancien gouvernement, des dépassements de coûts qui vont du simple au double. Il y a toute une question de la façon dont les projets ont été choisis, de la priorisation qui était problématique», observe M. Marceau.

«Les dépenses effectuées dans le passé étaient faites sans un contrôle normal, sans une gestion normale de ces projets. Il y a eu des dépassements de coûts importants, et cela ne peut plus continuer comme ça. Il faut que nos infrastructures nous coûtent moins cher», a martelé le ministre Marceau.