L'opposition congolaise salue la décision de la première ministre Pauline Marois de ne pas rencontrer le président du pays, Joseph Kabila, à l'occasion du 14e sommet de la Francophonie. Elle a «apprécié» sa rencontre avec Mme Marois, mais elle demande maintenant plus que des discours sur le respect de la démocratie.

«Le message, c'est très bon, mais nous continuerons à en demander plus», a affirmé Remy Masamba, député de l'Union pour la démocratie et le progrès social, principal parti de l'opposition en République démocratique du Congo (RDC).

«Nous avons passé l'étape des discours, a-t-il ajouté. Les discours, jusqu'à aujourd'hui, n'ont pas réussi à faire baisser la détermination du pouvoir en place à ne pas agir dans le sens de la promotion de la démocratie ni du respect des droits de l'homme.»

«Il faudrait, a-t-il dit, que le Québec puisse peser de son poids au niveau aussi bien du Canada que de la communauté internationale pour participer à la résolution de situations politiques.» L'opposition demande à la communauté internationale de lancer un «dialogue» entre les nations de l'Afrique centrale et un autre entre les forces politiques de la RDC pour dénouer la crise.

Rappelons que Joseph Kabila a été réélu l'an dernier à l'issue d'un scrutin entaché par des fraudes et des irrégularités de toutes sortes. C'est la raison pour laquelle Pauline Marois a choisi de ne pas rencontrer le président. «Nous apprécions cette attitude de Mme la première ministre de ne pas cautionner des gens qui prennent le pouvoir par la force. Ce n'est pas dur si je dis qu'il y a eu coup d'État», a affirmé le député de l'opposition Martin Fayulu, qui a participé lui aussi à la rencontre avec Mme Marois.

«Nous avons beaucoup apprécié l'opportunité que nous a donnée la première ministre du Québec de nous recevoir pour écouter le son de cloche de l'opposition», a ajouté M. Masamba.

Le chef de l'Union pour la démocratie et le progrès social, Étienne Tshisekedi, figure la plus connue de l'opposition congolaise, a demandé une rencontre avec Mme Marois, qui verra si son haoraire le permet. L'Union a finalement abandonné l'idée de tenir une manifestation en marge du sommet de la Francophonie, qui commence officiellement samedi.

L'opposition congolaise a aussi salué la décision du président français, François Hollande, de faire son premier voyage officiel en Afrique au Sénégal, et non pas en RDC - il ira à Dakar avant de faire une visite éclair à Kinshasa pour le sommet. Il rencontrera Joseph Kabila, avec qui il a promis d'aborder la question des droits de la personne.

L'opposition fonde beaucoup d'espoir sur le sommet de la Francophonie. «Il y a une énorme attente de la population congolaise par rapport à ce sommet. Il ne faudra pas qu'après le sommet égale avant le sommet», a dit Remy Masamba. Selon lui, la déclaration de clôture doit porter notamment sur la situation en RDC afin de dénouer la crise et de faire respecter la démocratie.

Le fait que l'organisation du sommet de la Francophonie à Kinshasa coûte des millions de dollars alors que les trois quarts des 70 millions de Congolais vivent avec moins de 1$ par jour n'est pas paradoxal, à son avis: «Pour sortir un peuple de la situation misérable dans laquelle il se trouve, il n'y a pas de prix. De toute façon, ça coûtera toujours infiniment moins que la guerre.»

Remy Masamba a souligné les efforts du Québec en RDC. «Nous sommes très conscients que le Québec participe et contribue au développement ici. Le Québec est solidaire du peuple congolais à travers ses organisations humanitaires, comme Oxfam, qui intervient dans les hôpitaux. C'est énorme, l'intervention d'Oxfam-Québec».

Un peu plus tôt, vendredi, Pauline Marois a d'ailleurs annoncé l'octroi d'une aide de 250 000$ en deux ans à Oxfam-Québec, présent dans le pays depuis 1984. La somme sera consacrée à deux projets. L'un vise à donner accès à l'eau potable aux populations des banlieues de Kinshasa. L'autre a pour but de venir en aide aux femmes victimes de violence sexuelle dans le Nord-Kivu et de leur offrir un «accompagnement juridique pour poursuivre les agresseurs». Un conflit sanglant oppose des rebelles aux forces armées congolaises dans cette province de l'est du pays.

Pauline Marois a rendu hommage au travail d'Oxfam-Québec. «Ici, en République démocratique du Congo, vous êtes exposés chaque jour à des situations qui défient la raison. Votre travail est essentiel, périlleux, capital aussi. Il mérite amplement d'être soutenu. Dans la mesure de nos moyens, vous pourrez compter sur notre solidarité à l'égard du peuple congolais», a-t-elle affirmé.

La première ministre a par la suite participé à une table ronde sur le thème de la démocratie et des droits de la personne en compagnie de représentants d'organisations non gouvernementales (comme Human Rights Watch) et des associations locales de défense des droits.

Elle a profité de l'occasion pour annoncer un don de 50 000$ à Développement et Paix, qui travaille en RDC avec l'organisme Caritas Congo pour améliorer les conditions de vie de 425 familles déplacées au Nord-Kivu. «Mon gouvernement est sensible à la détresse des femmes et des enfants» qui sont les victimes des conflits armés, a-t-elle souligné.

«Les démocraties en émergence doivent être soutenues par les démocraties plus avancées. À elles ensuite de poursuivre leur chemin selon leur propre conception de leur avenir, leurs valeurs. En étant présents avec vous, nous sommes partie prenante de cet idéal qui est la recherche de la démocratie.»