Le nouveau ministre du Développement durable, Daniel Breton, refuse d'expliquer pourquoi il a congédié le patron du BAPE, Pierre Renaud. Mais on devine facilement ses motifs en lisant le mémoire qu'il a rédigé sur l'échangeur Turcot en 2009. Il y attaque l'intégrité et l'indépendance des dirigeants de ce tribunal administratif. Et il ne le fait pas en termes diplomatiques.

«Depuis des années, des milliers de citoyens participent à des audiences du Bureau des audiences publiques en environnement (BAPE). Ces gens, groupes de gens, organismes divers le font le plus souvent de bonne foi et y mettent temps, énergie et argent afin de présenter leur point de vue, considérations, craintes et propositions diverses. Et à quoi tout cela sert-il? Réponse: La plupart du temps à RIEN.» Ces mots sont tirés d'un mémoire sur le projet de réfection de l'échangeur Turcot qu'a écrit Daniel Breton en juin 2009. Il parlait au nom de Maîtres chez nous - 21e siècle, un groupe qu'il a cofondé.

En fait, au lieu d'écrire un rapport sur l'échangeur Turcot, M. Breton a envoyé une missive pour dire qu'il ne faisait pas confiance à l'institution et refusait de se prêter au jeu des consultations.

La BAPE «se moque des citoyennes et citoyens ordinaires au profit d'intérêts particuliers», accusait-il.

Il séparait en deux catégories les rapports soumis au BAPE. Il y a les «rapports sérieux», que le gouvernement «met sur une tablette et dont le promoteur ne tient pas compte». Des exemples, selon lui: les rapports sur le Suroît, sur les déchets nucléaires de Gentilly-2, sur l'autoroute Notre-Dame.

Et il y a l'autre catégorie, celle des «rapports indulgents». Selon lui, les commissaires du BAPE ont un parti pris ou sont incompétents. Ils «avalent tout ce que le promoteur dit comme vérité d'évangile, sans jamais demander de contrepartie sérieuse de la part d'une tierce partie». Des exemples: les BAPE sur la Romaine, sur Cacouna, sur l'autoroute 25 et sur Rabaska. Ce dernier serait une «farce.» «Le rapport a SYSTÉMATIQUEMENT ignoré ces considérations pour ne tenir compte et ne donner crédit qu'au point de vue du promoteur. Un exemple flagrant du manque de sérieux du travail des commissaires», écrit-il.

Au sujet de l'échangeur Turcot, il a déploré le «simulacre de consultations»: «D'ici 2 à 5 ans, d'aucuns prédisent que le prix du baril de pétrole frôlera les $200 (NDLR : il est d'environ 100$ aujourd'hui), ce qui augmentera CONSIDÉRABLEMENT la pression sur les services de transport collectifs et diminuera à la fois le transport par camion et le transport individuel. Cette logique économique est implacable. De plus, comme le transport est la première source d'émissions de gaz à effet de serre au Québec et que le MTQ reçoit la part du lion pour lutter contre ces émissions, l'approche responsable serait de proposer un projet INCLUANT dès sa conception et dans sa construction un projet de transport collectif (pas des taxis et du covoiturage mais du vrai transport collectif tels que trains, tramways et/ou autobus), or le projet ne contient rien de tel.»

Mais il a refusé de proposer des solutions au BAPE parce que c'était, à son avis, inutile: «Nous sommes conscients que bien des groupes et citoyens mettront beaucoup d'effort sur ces audiences afin de vous proposer diverses solutions. Notre expérience nous démontre que tout cela sera à peu près systématiquement fait en pure perte. C'est dans cet esprit que nous avons écrit ce mémoire. Mémoire, pour que les gens se rappellent que le BAPE n'accomplit plus sa double mission. Elle ne protège maintenant ni l'environnement, ni la démocratie. Lorsque des projets qui vont à l'évidence contre l'environnement et que le BAPE l'avalise, il nie son mandat. De plus, il devient la caution publique de décisions controversées du gouvernement même lorsque des questions démocratique légitimes ont été posées. Ainsi on parle plutôt d'une démocratie du genre: "Cause toujours..." Mesdames et messieurs du BAPE, nous ne sommes plus dupes de votre mandat et n'êtes plus à nos yeux légitimes. Nous sommes persuadés que votre rapport sur le projet de réfection de l'échangeur Turcot en fera malheureusement, une fois de plus, la démonstration.»