Un coup de frein urgent sur les dépenses gouvernementales et des recettes qui fondent à mesure que la croissance économique diminue: le gouvernement Marois brossera un tableau bien sombre aujourd'hui de «l'état des lieux» des finances publiques héritées de l'administration libérale.

Cet après-midi, le ministre des Finances, Nicolas Marceau, et son collègue au Trésor, Stéphane Bédard, hausseront le ton pour souligner l'urgence d'un redressement, ont indiqué plusieurs sources hier à La Presse. Le message de Québec sera simple: «On a un sérieux problème et la situation est bien pire que prévu.» Toutefois, les membres du gouvernement martèleront qu'il n'est pas question pour l'instant de hausser le déficit de l'année en cours. On maintiendra le cap sur 1,5 milliard d'encre rouge - Québec n'a pas à se prononcer sur le déficit 2012-2013 avant le prochain budget, de toute façon.

L'opération n'est pas inédite: en prenant le pouvoir en 2003, le gouvernement libéral avait demandé à l'ancien vérificateur général Guy Breton d'aiguiser son crayon. Il avait soutenu que le nouveau gouvernement avait hérité d'un déficit caché de plus de 4 milliards. Le gouvernement Marois utilisera la même stratégie, mais sera moins alarmiste. Dans les coulisses, on parle d'un «trou» inattendu d'environ 1,5 milliard.

Avec une croissance pour 2012 révisée à moins de 1% (autour de 0,8%) au lieu des 1,5% prévus au budget de Raymond Bachand en mars dernier, le gouvernement Marois doit composer avec une diminution de 500 à 600 millions de ses recettes.

Une perche de Bachand

En ce qui concerne les dépenses, l'ancien ministre Raymond Bachand a tendu une perche inespérée au gouvernement en soutenant, il y a trois semaines, que les dépenses de l'année 2012-2013 pourraient dépasser de 800 millions les prévisions si rien n'est fait. Chaque année, le Trésor fait le même exercice, avec grosso modo les mêmes résultats: à compter de septembre, on «écrase» régulièrement des dépassements prévus, généralement un peu moindres que cette année.

Cette fois, on tartinera un peu plus. La somme de 800 millions soulevée par M. Bachand était une lecture faite à la fin du mois de juin. Or, en période électorale, personne ne s'est préoccupé de mettre le pied sur le frein, on se retrouve donc, à la mi-octobre, avec une bien grosse commande sur les bras, expliquera M. Bédard.

Il insistera aussi sur les dépassements à prévoir du coût des infrastructures en chantier.

Les ministres Marceau et Bédard n'intégreront pas à leurs tableaux l'impact d'autres dépenses liées à des promesses du Parti québécois. Ce n'est que mercredi prochain, après la rencontre du Conseil des ministres, que M. Marceau rendra public son plan de match pour dégager les recettes de 1 milliard pour compenser l'abolition de la taxe santé, qui représente 200$ pour 5 millions de contribuables. On n'intégrera pas davantage l'impact de la fermeture de la centrale Gentilly-2, estimé à 1,2 milliard pour l'année en cours - une «écriture comptable» qui ne sous-entend pas de dépenses concrètes, explique-t-on.

Une autre ombre se dessine au tableau pour l'an prochain: Pauline Marois s'est engagée à ne pas toucher au «bloc patrimonial», ce qui annule une hausse des tarifs d'Hydro-Québec escomptée par le gouvernement libéral pour l'atteinte du déficit zéro pour la prochaine année financière.

Équilibre en péril ?

Du côté de l'opposition, on craignait hier que le gouvernement Marois ait creusé un «trou» dans les finances publiques et qu'il soit donc incapable de retrouver l'équilibre budgétaire en 2013-2014, comme il l'avait pourtant promis en campagne électorale. «Dans les dernières années, Hydro-Québec rapportait un dividende annuel qui variait entre 1,9 et 2,2 milliards de dollars. Selon ce qu'a dit le patron d'Hydro-Québec, la fermeture de la centrale Gentilly-2 entraînera une baisse du dividende de près de 1,3 milliard cette année», s'inquiète François Bonnardel, de la Coalition avenir Québec.

Le Parti libéral partage ces inquiétudes. Son attaché de presse, Charles Robert, souligne que le gouvernement Marois devra de plus trouver 1 milliard pour financer l'abolition de la taxe santé. Et qu'il s'est privé de revenus en annulant la hausse des droits de scolarité et du bloc patrimonial d'électricité, en plus de geler les frais de garderie. «Le gouvernement Marois doit dire maintenant comment il retrouvera l'équilibre budgétaire», insiste-t-il.

Ce sont de 3 à 4 milliards que le nouveau gouvernement devra trouver, calcule M. Bonnardel. «Avant de fouiller dans nos poches, ils doivent réduire leurs dépenses», dit-il.

-Avec Paul Journet