Candidat à la succession de Jean Charest, l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard a sévèrement attaqué les décisions récentes du gouvernement Marois.

Selon lui, en promettant d'abolir la taxe santé et d'abandonner la hausse des droits de scolarité tout en inquiétant le milieu des affaires, Mme Marois accumule les décisions qui lui rendront impossible l'atteinte du déficit zéro.



«En peu de temps, le gouvernement du Parti québécois a fait la démonstration de son entêtement. Les décisions des dernières semaines, les actions improvisées divisent les Québécois et suscitent l'inquiétude. Partout dans le monde on essaie de convaincre les entrepreneurs d'investir plus. Au Québec, le gouvernement prend une décision opposée: on suscite l'inquiétude. Ce sont des milliers d'emplois qui sont en jeu aujourd'hui», a-t-il soutenu devant une centaine de partisans entassés dans une salle exiguë.

«J'ai la conviction d'être celui qui peut rassembler tous les libéraux - ceux d'aujourd'hui, ceux d'hier et de demain. Je me reconnais dans ce parti d'équilibre: croissance économique et justice sociale, identification au Québec et appartenance au Canada, attachement aux libertés individuelles et respect de la société civile.»

D'entrée de jeu, M. Couillard s'est dit solidaire du gouvernement Charest. Il s'est entretenu avec l'ancien premier ministre avant de prendre sa décision. Il soutient avoir senti «une grosse vague d'appui» de militants qui souhaitaient qu'il se lance en piste, qu'il revienne en politique après une éclipse de plus de quatre ans.

Sans surprise, il se défend d'avoir «déserté le navire» en 2008. Il soutient n'avoir rien fait de répréhensible en discutant d'un emploi avec un fonds d'investissement en santé alors qu'il était encore ministre. Ces échanges étaient encadrés par des règles du conseil exécutif, des règles qui tiennent toujours, appliquées maintenant par le Commissaire à l'éthique de l'Assemblée nationale. Il reconnaît toutefois qu'il aurait dû, au moment de son départ, mieux expliquer ses motivations. «Je ne me présenterais pas devant les Québécois si je n'avais pas la conviction que mon intégrité est intacte», a-t-il soutenu.

Il a défendu son ancien employeur, Persistence Capital, «nécessaire et légitime», qui «soutient des activités du domaine de la santé à l'extérieur de la couverture publique».

Il a quitté tous les conseils d'administration où il siégeait: «Je me présente devant les Québécois avec comme seule tâche cette campagne au cours des prochains mois».

Il s'est dit médusé par les allégations sur le rôle du Dr Arthur Porter dans le projet du CUSM. Les deux hommes avaient fondé ensemble une société de consultation qui n'a jamais eu de mandat. Après plus de cinq ans à la Santé, il voulait «se ressourcer». «Je reviens aujourd'hui plus riche d'expériences, de connaissances», a-t-il soutenu.



Prudence au programme



Mais au-delà de l'attaque au gouvernement Marois, il est resté très prudent sur les solutions qu'il proposerait. Il n'a pas dit s'il maintiendrait l'abolition de la taxe santé de 200$ et s'est contenté de dire que la meilleure façon de financer la santé «est de créer une nouvelle usine et des emplois» susceptibles d'aider les finances publiques.

Quant aux droits de scolarité, il s'est d'abord dit favorable aux hausses décrétées par le gouvernement Charest. Mais, s'est-il empressé d'ajouter, «l'horloge a été remise à zéro, il faudra refaire le débat».

Il reste froid sur le projet péquiste de charte de la laïcité, mais prônerait une «neutralité religieuse de l'État» qui reste à définir.

«Avant de parler d'une charte, on pourrait discuter des principes avec les groupes concernés. Cette conversation doit être terminée auparavant.» Ce principe de neutralité pourrait être inscrit dans une loi - «cette question ne me fait pas peur»-, mais la «conversation» avec les différentes confessions est un passage obligé au préalable.

Même sur la fermeture de Gentilly, il a rappelé qu'aucune étude définitive n'a établi qu'il y a des risques pour la santé. Il reste à trancher le débat «fondamental» de l'avenir économique de la région, a-t-il dit sans prendre position.

Il est plus catégorique sur le projet de citoyenneté québécoise du PQ, qui catégoriserait les Québécois selon qu'ils sont francophones de souche, néo-Québécois francophones ou nouveaux arrivants qui ne parlent pas français: c'est inacceptable, selon lui. «Je n'accepte pas la catégorisation des niveaux de citoyenneté, qu'on distingue les bons Québécois et les mauvais Québécois. Sur le plan humain, cela m'est profondément étranger», tranche-t-il.

Il estime que la Charte de la langue française est «nécessaire», mais il ne comprend pas que le gouvernement puisse «bloquer l'horizon de nos jeunes» en fermant aux francophones l'accès aux cégeps anglophones.

Sur la question nationale, il a souligné que le Québec a la liberté de se définir lui-même, mais il a insisté aussi sur les avantages du fédéralisme canadien, une prémisse incontournable pour le candidat Couillard. Il promet d'être particulièrement attentif aux doléances de la communauté anglophone, qui a tout autant que la majorité francophone contribué au développement du Québec, insiste-t-il. «Au cours des dernières années, on a restreint la définition de la société distincte québécoise au groupe majoritaire, alors que les autres sont aussi fiers de faire partie d'un État francophone en Amérique. Ils veulent venir à la table et discuter de leur contribution. Ce travail est à faire, avant de parler de débat constitutionnel», observe M. Couillard.

L'ancien ministre a longuement insisté sur la nécessité d'une économie dynamique pour financer adéquatement les services sociaux. Il veut s'inscrire dans le prolongement des valeurs du PLQ édictées par le défunt Claude Ryan.

Neuf députés libéraux étaient venus l'appuyer hier. Kathleen Weil, ex-ministre de l'Immigration, et Sam Hamad, qui s'occupait du Développement économique, seront présidents de sa campagne. Il a aussi l'appui des anciens ministres Benoît Pelletier (Affaires intergouvernementales canadiennes) et Michel Audet (Finances).