ANALYSE - En politique, tout est affaire de perception. Raymond Bachand a toujours été vu comme un péquiste en excursion au Parti libéral du Québec. L'ancien conseiller des René Lévesque et Pierre Marc Johnson portait encore les cicatrices du transfuge, sans racines libérales. C'était sa principale faiblesse. Hier, il a abattu une carte, un antidote: Andrée Bourassa, la veuve de Robert Bourassa, est derrière lui.

Qui sera le fiduciaire des «valeurs» du PLQ? Qui saura avec crédibilité brandir la plaquette rédigée par Claude Ryan - le regretté ministre l'avait rédigée pour légitimer Jean Charest, longtemps soupçonné d'être un cryptoconservateur par ses propres militants. Raymond Bachand a voulu souffler le chaud et le froid, hier, en y allant d'un plaidoyer fédéraliste tout en invitant nommément les «nationalistes» à rallier le PLQ. Bien des libéraux «nationalistes» de l'époque Bourassa s'accommodaient tout au plus du credo canadien de Jean Charest à son arrivée à la barre, en 1998. Déjà Daniel Johnson s'était décrit comme «Canadien d'abord et avant tout», et lorsque Jean Charest bombait le torse devant Ottawa, c'était qu'il préparait ses élections.

La famille libérale a une généalogie complexe; bien des gens auront été surpris, hier, de voir Lise Thériault, l'ex-ministre du Travail, sauter dans la barque de Bachand - elle est issue du réseau de l'est de Montréal, fille spirituelle d'un Pierre Bibeau. Or, cet apparatchik perpétuel du PLQ est sympathique à Philippe Couillard - son fils Alexandre est même organisateur de l'ancien ministre de la Santé. Même topo pour Marguerite Blais, entrée au PLQ par cette même filière. Or, quand on lui demande qui elle appuiera, Mme Blais conseille d'aller voir son curriculum - elle a pendant des années été dans le sillage de Raymond Bachand chez Metro-Richelieu.

Si Pierre Moreau piaffait d'impatience, il tarde désormais à se lancer. Monter sur la balance est un pari important pour lui; il n'a guère de chance de l'emporter, mais il pourrait jouer les «king makers» dans la dernière ligne droite s'il a suffisamment d'appuis.

La semaine prochaine, ce sera au tour de Philippe Couillard de se lancer. Un sondage Léger Marketing publié hier le donnait clairement en avance, avec 34% d'appuis chez les libéraux, contre 13% à Raymond Bachand et 7% à Pierre Moreau. Philippe Couillard est immédiatement devenu le candidat de l'establishment du parti. Il a autour de lui les principaux organisateurs des campagnes électorales depuis 1998.

Pour une course où tout se jouera dans des sous-sols d'église, dans des soirées de militants qui votent pour des délégués, disposer des listes des militants actifs localement est un atout déterminant. Le PLQ a 50 députés. Ces appuis sont importants, mais ne doivent pas faire oublier que dans 75 circonscriptions sans élu, c'est le candidat le mieux organisé qui pourra rafler les 24 délégués. C'est d'ailleurs ce qui forcera un Pierre Paradis à se désister. Avec sa notoriété, il aurait pu faire bonne figure dans une course décidée par l'ensemble des membres; dans une joute d'organisateurs, il se ferait humilier.

Le point faible de Couillard ne sera pas l'organisation. Il aura aussi tous les appuis nécessaires au caucus des députés. La faiblesse du camp Couillard, c'est Couillard.

Nimbé de son aura de neurochirurgien, assuré, crédible, d'une intelligence remarquable, l'ancien ministre de la Santé est dépourvu de «people skills», cette intelligence relationnelle nécessaire à tout politicien. En politique, il oubliait ses employés au parlement. Dans des délégations officielles, au lieu d'animer le parterre, il restait silencieux, quittait un souper sans saluer, après avoir réclamé sa facture. On a dû lui administrer de la «politique 101» à la course au cours des derniers jours. «Quand tu serres la main de quelqu'un... tu le regardes dans les yeux, Philippe!»

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Un marathon de cinq mois


Avec le lancement de la campagne Bachand hier, le PLQ entame un marathon de cinq mois qui lui donnera un nouveau chef en février, probablement juste avant le dépôt du premier budget du gouvernement Marois.

À l'interne, au parti, on se gratte la tête, conscient d'être les cobayes dans l'application des nouvelles dispositions de la Loi électorale sur le déroulement des courses à la direction.

Les contribuables vont indirectement payer la note; les contributions aux différents candidats seront déductibles d'impôt - les libéraux avaient fait des gorges chaudes quand le PQ avait ainsi utilisé les fonds publics pour sa course en 2005.

Les contributions aux candidats ne seront pas autrement considérées comme des contributions politiques - un électeur pourrait donner 1000$ au PLQ et encore 1000$ à l'un des candidats.

Plus encore, le candidat qui se lance en piste peut tout de suite amasser et dépenser de l'argent, même si, officiellement pour le PLQ, la course ne débutera qu'avec le conseil général du 20 octobre.