François Legault aurait pu être premier ministre. Françoise David et Amir Khadir auraient pu être accompagnés d'une douzaine d'autres députés solidaires. Jean-Martin Aussant aurait pu choisir l'un des huit sièges remportés par Option nationale. Même le Parti conservateur du Québec aurait fait son entrée à l'Assemblée nationale.

> En graphique: répartition des sièges selon trois modes de scrutin

Tout ça aurait pu devenir réalité... si le Québec avait un mode de scrutin proportionnel.

C'est le calcul que fait Vote au pluriel Québec, une expérience pilotée par des chercheurs universitaires en sciences politiques. Le projet vise à informer les électeurs relativement à trois modes de scrutin: pluralitaire, proportionnel et alternatif.

Après avoir dépouillé les 9990 questionnaires remplis sur son site et pondéré les résultats en fonction des votes du 4 septembre, Vote au pluriel a dressé un portrait de l'Assemblée nationale complètement différent de celle qui vient d'être élue.

Ainsi, selon un mode de scrutin proportionnel, la Coalition avenir Québec (CAQ), le Parti libéral du Québec (PLQ) et le Parti québécois (PQ) auraient chacun récolté le quart des votes, avec un léger avantage pour la CAQ - 27% des voix, comparativement à 26% pour le PLQ et 25% pour le PQ.

Si le Québec pratiquait le vote alternatif, la répartition du nombre de sièges aurait davantage ressemblé aux résultats du 4 septembre. Le PQ aurait récolté six sièges de plus que le PLQ, mais il aurait été encore plus loin de la majorité à l'Assemblée nationale.

Comment expliquer la différence entre le pourcentage de votes obtenu le 4 septembre par le PQ (32%) et celui projeté par Vote au pluriel si le scrutin avait été proportionnel (25%) ou alternatif (28%)?

Selon Marc André Bodet, chercheur associé à la Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l'Université Laval, les électeurs voteraient différemment selon le mode de scrutin. «Certains de nos répondants ont voté PQ sur le bulletin de vote pluralitaire mais ont voté CAQ sur le bulletin de vote proportionnel.»

Même chose pour Québec solidaire et Option nationale, qui «sont les grands perdants de notre mode de scrutin», écrivent les chercheurs dans leur étude. Ces partis «paient un fort prix en termes d'effets "psychologiques", essentiellement par une baisse d'appui dans les votes exprimés dans le système actuel». La faute revient notamment au fameux «vote stratégique».

Françoise David, de Québec solidaire, n'est pas surprise par ces conclusions. «Le mode de scrutin induit des comportements électoraux, dont le vote utile, qui prive Québec solidaire de votes», dit-elle. Personne ne perd, selon Mme David, à adopter un mode plus représentatif. Même si l'idée d'une coalition pour former le pouvoir est synonyme de «chaos» pour certains électeurs, «c'est un modèle parfaitement normal dans des dizaines de pays dans le monde».

Une réforme du mode de scrutin? Québec solidaire le souhaite ardemment. Le PQ a adopté, lors de son dernier congrès national, une proposition sur la création d'une commission visant à évaluer la possibilité d'adopter un nouveau mode de scrutin.

Les résultats de l'étude seront bientôt en ligne sur le site voteauplurielquebec.org et seront enrichis des résultats dans chacune des circonscriptions, selon les trois modes de scrutin étudiés.