Un tsunami s'abattra d'ici 10 jours sur la campagne à la succession de Jean Charest: l'ancien ministre de la Santé Philippe Couillard sautera dans la mêlée, a appris La Presse de sources sûres. Depuis lundi, à Montréal, il a rencontré et obtenu l'appui tacite de nombreux apparatchiks libéraux, et de quelques anciens collègues de l'Assemblée nationale.

Premier signe tangible de l'arrivée de Philippe Couillard, la volte-face très tôt hier matin de Sam Hamad, qui a fait savoir tout à coup qu'il n'envisageait plus de se lancer dans la course. M. Hamad a rencontré mardi à Montréal quelques stratèges libéraux, qui lui ont unanimement déconseillé de tenter sa chance pour la direction du parti. Plus tard, en soirée, il a rencontré Philippe Couillard, qui l'a convaincu de se rallier à sa campagne - avec l'assurance qu'il serait un «lieutenant», en position de faire valoir ses idées dans une nouvelle équipe.

L'arrivée de Philippe Couillard mettra beaucoup de pression sur Raymond Bachand, qui semblait déterminé à se porter candidat hier matin. Dans les officines du Parti libéral du Québec (PLQ), beaucoup croient que le député d'Outremont hésitera énormément à engager le combat contre M. Couillard. Les deux magasineraient leurs appuis dans les mêmes cercles libéraux de Montréal. M. Couillard est susceptible de rafler rapidement la mise chez les anciens ministres, prédisent ses proches, qui ont hâte de voir les candidats potentiels soupesés par des sondages externes.

Avant les résultats des dernières élections, ceux qui avaient rencontré Philippe Couillard étaient convaincus qu'il ne serait pas de la course, mais la performance du PLQ laisse le parti à un jet de pierre du pouvoir, loin de la période pénible de reconstruction que plusieurs appréhendaient.

Duel

La course à la direction du PLQ se dessine donc déjà comme un duel sans merci entre Philippe Couillard et Pierre Moreau, titulaire des Transports, qui continue de s'activer pour solliciter des appuis. De source fiable, toutefois, aucun ministre ne serait pour l'instant clairement derrière le député de Châteauguay. Il peut cependant compter sur plusieurs appuis chez les députés, rassemblés par Norbert Morin, député de Côte-du-Sud. Mais le pilier de la campagne de Pierre Moreau sera l'ancien ministre Jacques Dupuis, qui brûle de retoucher à la politique depuis plusieurs mois, M. Moreau avait été son chef de cabinet quand il avait été battu aux élections de 2007. On retrouve aussi Pietro Perrino, homme de confiance de Daniel Johnson - l'ancien chef est aussi proche du clan Moreau, indique-t-on.

Un nouveau nom est également apparu au radar des libéraux: Line Beauchamp, qui reçoit pas mal d'appels et fait l'objet de pressions pour se lancer dans la mêlée - des démarches qu'elle ne repousse plus aussi vigoureusement que la semaine dernière. Ses difficultés à parler anglais et sa décision de quitter le gouvernement au coeur de la tempête restent toutefois pour elle des embûches de taille. Elle est davantage susceptible de se rallier à Philippe Couillard. Yves Bolduc ne sera pas de la course, même si, lorsque La Presse l'a joint hier, il a refusé de le confirmer.

Le départ de M. Couillard, en juin 2008, reste une tache importante à son dossier - il avait négocié son emploi avec une firme d'investissements en santé alors qu'il était encore ministre en poste. En janvier, soit six mois avant sa démission, M. Couillard était ouvertement à la recherche d'un emploi et, en mars, il s'était entretenu à ce sujet avec des dirigeants de PCP, qui «se concentre exclusivement sur les occasions d'affaires qui ont un potentiel de forte croissance dans le domaine des services de santé», a révélé en mars 2009 le commissaire au lobbyisme André C. Côté, dans un rapport peu flatteur pour Philippe Couillard.

Philippe Couillard, explique-t-on, a d'abord voulu vérifier si l'organisation du PLQ était derrière Pierre Moreau. En effet, le parti ne touchera pas à sa constitution, et le nouveau chef sera choisi par des délégués - chaque circonscription en enverra 24. Dans ce contexte, les candidats doivent mettre l'accent sur l'organisation, sur le terrain, plutôt que sur une campagne de communication. «Pour rentrer une slate [dans une circonscription], il faut vendre des cartes de membres», explique-t-on.

Tocsin

Hier matin, Raymond Bachand a sonné le tocsin pour s'assurer que la course se déroule rapidement. Selon lui, le PLQ doit impérativement choisir un nouveau chef avant la présentation du premier budget péquiste. «Si on lit ce que le PQ veut faire, c'est un désastre pour l'économie du Québec. Il faut être prêt à bloquer ça!» Mais si le PLQ est engagé dans une course à la direction au moment du budget, le gouvernement Marois «va faire n'importe quoi!», prévient-il.

«Oui, j'ai un intérêt», a répondu M. Bachand lorsqu'on lui a demandé s'il songe à se porter candidat. «Ce n'est pas une décision pour moi, mais pour le parti et pour le Québec. Il faut que les collègues le veuillent», a-t-il ajouté. Il cherche actuellement à vérifier «s'il y a un appui profond des collègues». «La réponse est excellente», constate-t-il. Il a aussi discuté avec ses proches. «Ils vont m'appuyer quelque soit ma décision», a-t-il souligné.