Les représentants cris et le gouvernement du Québec ont officiellement signé, mardi, une entente sur la gouvernance dans le territoire d'Eeyou Istchee-Baie-James.

Cette entente prévoit notamment la mise en place d'un gouvernement régional qui remplacera la municipalité de Baie-James. Les Cris et les Jamésiens y auront un nombre égal de votes.

Le premier ministre du Québec, Jean Charest, et le grand chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Coon Come, ont paraphé l'entente de nation à nation au cours d'une cérémonie, qui a duré une heure quinze, au Salon rouge de l'Assemblée nationale.

«Nous allons jouer une partie importante de l'histoire du Québec», a lancé M. Charest, qui a évoqué «un niveau de coopération et de collaboration jusqu'ici inégalé» entre les nations québécoise et crie.

«Je suis convaincu que les leaders des Premières nations du Canada vont regarder de près cette entente» avec les Cris, a ajouté le premier ministre.

Cette entente vise le «développement harmonieux» du territoire visé, tant au plan économique, comme la gestion des ressources naturelles, que de la gouvernance, et ce, sur un vaste territoire de plus de 330 000 kilomètres carrés, a souligné le premier ministre Charest.

Plus précisément, l'entente prévoit l'octroi aux Cris de pouvoirs exclusifs de gestion en matière municipale, foncière et de ressources naturelles pour les terres dites de catégorie 2, soit sur 56 000 kilomètres carrés.

Ensuite, elle prévoit la création d'un nouveau gouvernement régional composé également de Cris et de Jamésiens pour gérer les terres dites de catégorie 3, soit 277 000 kilomètres carrés.

Le premier ministre a précisé que pour parvenir à cette entente de gouvernance, les parties avaient dû «innover» car il n'existait aucun précédent au Québec ni au Canada et «pas de précédent ailleurs dans le monde non plus».

Plus tard, au cours d'une rencontre avec la presse, le premier ministre a fait valoir le lien entre le Plan Nord, dont il fait la promotion, et cette entente avec les Cris. «Oui, c'est un fruit du Plan Nord. Les Cris le reconnaissent eux-mêmes et les Jamésiens le reconnaissent aussi. C'est donc la démonstration que le Plan Nord va donner des résultats très importants dans la vie des gens.»

Il a décrit l'entente comme une action qui vient corriger une division qui n'aurait pas dû être maintenue entre ceux qui sont autochtones et ceux qui ne le sont pas et qui partagent pourtant le même territoire. «C'est vraiment un changement très radical dans la vision de la relation que nous avons avec les Premières nations», a-t-il résumé, rappelant la création des réserves indiennes et le fait que les autochtones ont été des fiduciaires du gouvernement fédéral.

De son côté, le grand chef du Grand Conseil des Cris, Matthew Coon Come, a lui aussi parlé d'une «journée très spéciale» tant pour les Cris que pour «nos voisins sur le territoire de la Baie James».

Il a rappelé que c'est en février 2010 qu'il avait rencontré le premier ministre Charest pour discuter, au départ, de la gouvernance dans le Nord.

M. Coon Come croyait en la nécessité d'un «changement fondamental» dans l'approche. «La solution ne pouvait pas passer par des modifications mineures aux structures existantes», a opiné M. Coon Come. Un accord-cadre a donc été signé l'an dernier, puis l'entente finale mardi.

Le leader cri a décrit l'entente comme le troisième chapitre des relations entre Québec et les Cris, après la Convention de la Baie James et du Nord québécois, puis la Paix des braves.

Par la même occasion, une autre entente a été signée, touchant le maintien des services municipaux et le transfert des employés de la ville de Baie-James au nouveau gouvernement régional.

Réactions

Deux groupes, l'Initiative boréale canadienne et le Pew Environment Group, ont favorablement réagi à l'annonce de l'entente.

«Cet accord est la démonstration d'un modèle de mise en oeuvre des principes enchâssés dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, qui reconnaît aux Autochtones le droit de participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle de l'État, ainsi que le droit de maintenir et de renforcer leurs liens avec les terres, territoires et autres ressources qu'ils possèdent ou occupent. Cet accord démontre que la mise en oeuvre de ces principes est non seulement souhaitable, mais aussi essentielle», a commenté l'Initiative boréale canadienne dans un communiqué.

Le Pew Environment Group a écrit une lettre au premier ministre Charest, dans laquelle il indique que «depuis longtemps nous affirmons que la vision enchâssée dans le Plan Nord visant à établir un équilibre entre la croissance économique et la conservation en partenariat avec les collectivités autochtones pourrait créer un nouveau modèle mondial en matière de développement durable. L'accord conclu aujourd'hui représente une étape clé dans la mise en oeuvre de cette vision».