Le gouvernement Charest se prépare à des élections? On est bien loin d'être prêt dans le choix des candidats. On retient à bout de bras des annonces de retraite. Le programme électoral est en retard. Le directeur général du PLQ, Karl Blackburn, s'est fait deux fois passer un savon par les députés, qui sont inquiets du peu de préparation du parti.

Mais on planifie tout de même des élections. Cette semaine, le Conseil des ministres a renouvelé le mandat d'Hélène De Kovachich à la tête du Tribunal administratif du Québec. Curieux empressement, car le mandat de la conjointe de Pierre Marc Johnson ne se terminait que dans un an, au printemps 2013. Début avril, on a aussi renouvelé le mandat de cinq ans de Thierry Vandal à la tête d'Hydro-Québec, plus de six mois avant son échéance. De la même manière, on a nommé Hélène Ménard, ex-candidate et chef de cabinet de nombreux ministres, au poste de vice-présidente de la Commission des normes du travail. Ce mandat court jusqu'en 2014, mais on l'a déjà renouvelé jusqu'en 2017. Même si les élections ne surviendront pas avant l'été, et peut-être même pas avant le budget du printemps 2013, l'échéance électorale guide déjà bien des décisions.

Dans les milieux libéraux, on comprend que Jean Charest entamera cet été, encore, une sérieuse réflexion sur son avenir. Il veut rester, mais comme son mentor politique Brian Mulroney, il ne voudra pas se faire battre. Et obtenir un quatrième mandat semble déjà un pari bien risqué.

Même chez les siens, on recense désormais des faux pas; l'artilleur parfait lance à côté du marbre. Déjà, admettre qu'il n'avait pas lu le rapport Duchesneau, l'automne dernier, n'était pas lumineux, mais la blague d'il y a deux semaines au Palais des congrès, quand il a dit qu'il voulait envoyer les étudiants en grève «au Nord autant que possible», a fait grincer des dents.

Devant Pauline Marois, ses attaques ne sont pas toujours heureuses. Il l'a dépeinte récemment comme une collectionneuse de diamants; il a soutenu qu'elle avait «du Jell-O dans la colonne vertébrale» dans le conflit avec les étudiants. La semaine dernière, il s'en est pris rudement à une journaliste qui voulait qu'il soit absolument limpide quant aux élections. Autant de signes de fébrilité, d'impatience ou de fatigue.

S'il choisit de rester, Jean Charest a un avantage: il n'y a pas de prétendant dans les coulisses. Pierre Marc Johnson avait Jacques Parizeau, lequel avait Lucien Bouchard. Daniel Johnson savait bien que Jean Charest était disponible. Même scénario à Ottawa: l'ombre de John Turner planait sur Pierre Trudeau, et celle de Paul Martin sur Jean Chrétien. Seul Mulroney est parti à son heure, à moins d'un an d'élections... qui se dressaient comme un mur.

Chez les élus actuels, qui rêve de succéder à Jean Charest? Raymond Bachand ne sera probablement pas en piste. Il a annoncé qu'il solliciterait un autre mandat, mais ses confidents reçoivent un tout autre message. Un Michael Fortier pourrait lui succéder dans Outremont.

Sam Hamad se lancerait dans la course, mais il n'est guère connu en dehors de la région de Québec. Il est affable, mais il n'a aucun réseau dans les milieux d'affaires montréalais. Surtout, il a des croûtes à manger comme communicateur.

Le ministre des Transports, Pierre Moreau, est, lui, un communicateur hors pair. Avocat, il est parfaitement bilingue, il a un bon sens de la répartie et des habits impeccables. Mais les libéraux se souviennent que, pendant des années, il a été au bureau d'avocats Bélanger et Sauvé, spécialisé dans le droit municipal, en banlieue sud de Montréal - un problème de perception au moment où on s'interroge sur les liens entre les élus municipaux et les firmes professionnelles.

Plusieurs pensent à Jean-Marc Fournier. Mais il ne sera pas de la course. Il a eu des ennuis de santé, des problèmes d'arythmie. Il pourrait tout au plus être tenté par l'intérim, s'il y en avait un.

En dehors du Conseil des ministres, les dauphins paraissent nombreux. Les candidats sérieux le sont beaucoup moins. Oublions les Jacques Ménard et Pierre Marc Johnson, autant de noms qui ont circulé. Les principaux intéressés sont flattés mais, justement, pas intéressés, semble-t-il.

Philippe Couillard a magistralement raté sa sortie en négociant son nouvel emploi chez un groupe d'investisseurs en santé alors qu'il était encore ministre de la Santé. L'employé de Secor termine ses présentations PowerPoint sur un époustouflant coucher de soleil, paysage quotidien à sa maison, au Lac-Saint-Jean. «Le beau docteur» serait capable de rallier rapidement bien des libéraux s'il revenait, mais il est loin d'être décidé à laisser tomber ses gros revenus et sa canne à moucher.

Monique Leroux a semblé intéressée, mais on vient de renouveler son deuxième et dernier mandat de quatre ans à la tête du Mouvement Desjardins. Depuis, elle se fait plus discrète. Ses revenus globalement, dépassent 1,5 million de dollars par année. Des libéraux ont fait tester son nom dans des sondages, l'an dernier. Certains rêvent de voir cette femme dans l'arène contre Pauline Marois, mais elle est loin d'être décidée à faire le saut.