Peu après une victoire du OUI en 1995, le gouvernement Parizeau aurait adopté une constitution initiale affirmant que le Québec est un État «laïque» et «pacifiste» et se serait engagé à conclure des ententes avec chacune des nations autochtones.

La Presse a mis la main sur le projet de constitution de 177 articles qui n'a jamais été rendu public. Notre version date de juillet 1995. «C'est le deuxième projet de constitution qui a été préparé par le Parti québécois (PQ). Le premier avait été commandé par le premier ministre René Lévesque à la fin 1984 à son ex-ministre, Jacques-Yvan Morin. Contrairement à celle de Parizeau, cette première constitution était conçue pour être adoptée dans la fédération canadienne», raconte Daniel Turp, ancien député péquiste et constitutionnaliste à l'Université de Montréal.

La constitution initiale devait être adoptée rapidement par les élus pour maintenir l'État de droit. Pendant ce temps, le négociateur en chef Lucien Bouchard aurait essayé de conclure une entente avec le Canada, et le gouvernement aurait préparé sa déclaration de souveraineté. «C'est ensuite qu'on aurait fait le travail pour la constitution permanente. Il a toujours été important que la constitution soit écrite à un moment où l'on était certains que le Québec soit souverain et que tous les Québécois, y compris ceux qui ont voté NON, participent à ce moment fondateur. C'est ma lecture de la chose», raconte Jean-François Lisée, conseiller du premier ministre Jacques Parizeau. Il avoue ne pas se souvenir du contenu de la constitution initiale.

Dans ce texte, Québec se débarrassait de la monarchie en déclarant que le chef de l'État devenait le président du Québec, et non le représentant de la reine. Ce président aurait eu «peu de pouvoirs réels», précise-t-on dans les notes explicatives. Le premier ministre serait demeuré le chef du gouvernement.

Quelques mesures visaient à rassurer la communauté anglophone. On réaffirmait leur droit de faire «instruire leurs enfants dans leur langue» de la maternelle jusqu'à l'université et de maintenir leurs commissions scolaires. Il aurait fallu leur «consentement» pour modifier les articles les concernant. Même chose pour les nations autochtones. Québec s'engageait à conclure des «ententes d'autonomie» avec elles. Une fois ratifiées, elles auraient été constitutionnalisées. En attendant, leurs droits existants auraient été «reconnus et confirmés».

Sans surprise, le multiculturalisme, qui est promu dans la Charte canadienne des droits et libertés, ne figure pas dans le projet de constitution initiale. On aurait affirmé le droit des «communautés culturelles» de «maintenir et de faire progresser leur propre vie culturelle». Le caractère «laïque» et «pacifique» était énoncé dans les principes fondamentaux, tout comme le «respect des croyances religieuses» et «des valeurs fondamentales».

Plusieurs articles de la Charte de la langue française et de la Charte québécoise des droits et libertés y étaient enchâssés. On voulait constitutionnaliser la «protection à la sécurité» des enfants et la protection des personnes handicapées contre «toute forme d'exploitation». Enfin, dans les principes fondamentaux, on lit que l'État du Québec «s'efforce de procurer l'égalité des chances», «doit soutenir le milieu culturel» et s'engage à «oeuvrer pour la paix mondiale», ce qui ne l'empêcherait pas, précise-t-on dans les notes, de participer à l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) ou au Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD).

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Pour plus d'information:

Constitution initiale (Partie 1, art.1-96) (1995)

Constitution initiale (Partie 2, art. 97-175) (1995)

Constitution initiale - Note explicative (1995)