La décision du gouvernement Harper de nommer deux commissaires à l'immigration unilingues anglophones à Montréal est «inacceptable pour le Québec», a soutenu hier le ministre des Relations intergouvernementales, Yvon Vallières.  

«Nous croyons très honnêtement que ce geste est inacceptable pour le Québec. Il constitue un recul pour la francophonie canadienne, mais c'est aussi un geste qu'on ne devrait pas se voir imposer dans le contexte où il y a deux langues officielles reconnues au Canada», a dit M. Vallières à l'Assemblée nationale, en réponse aux questions du critique péquiste en matière de langue, Yves-François Blanchet.

M. Vallières estime que la nomination de commissaires unilingues est aussi indéfendable que celle de personnes unilingues aux postes de juge à la Cour suprême ou de vérificateur général du Canada. «La compétence professionnelle incontournable est celle de connaître les deux langues officielles du pays dans des postes de juge ou de commissaire à un aussi haut niveau», a soutenu M. Vallières.

La Presse a révélé mercredi que deux commissaires du bureau montréalais de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié sont unilingues et que leur incapacité à travailler en français crée certaines tensions.

Le commissaire Stephen Gallagher a notamment admis en preuve, dans le dossier d'une famille qui demandait l'asile au Canada, un rapport de police traduit de l'espagnol au français. Son incapacité à lire le français a soulevé des interrogations de la part de l'avocate de la famille. Le commissaire a rejeté la requête de la famille, mais la Cour fédérale a cassé son verdict, car sa capacité à comprendre la preuve pouvait être mise en doute.

Le ministre de l'Immigration, Jason Kenney, a défendu les nominations à la Chambre des communes, hier.

«C'est un pays bilingue, a affirmé M. Kenney. Nous respectons les droits des francophones et des anglophones, y compris les 30% de demandeurs à Montréal qui déposent leur demande en anglais et les neuf décideurs qui sont des francophones unilingues.»

Les partis de l'opposition, quant à eux, sont passés à l'attaque.

«C'est invraisemblable qu'on puisse encore nommer des commissaires pour entendre des causes à Montréal qui ne comprennent même pas le français, ne sont pas capables de lire les documents», a dénoncé le chef néo-démocrate, Thomas Mulcair.

Le chef du Parti libéral, Bob Rae, a qualifié ces nominations de «bizarres».

«Il faut s'assurer que les gens, ils aient toujours accès à quelqu'un qui parle français, qui est bilingue, dans les services du gouvernement», a-t-il affirmé.

Sans surprise, le Mouvement Montréal Français a dénoncé la situation.

«C'est complètement inacceptable! C'est un manque de respect pour le Québec, surtout qu'en matière d'immigration, on travaille très fort pour franciser les nouveaux arrivants», déplore Mario Beaulieu, président de l'organisme.

Le militant nationaliste Gilles Rhéaume a quant à lui annoncé dans un communiqué qu'il portera plainte à la Commission des droits de la personne et au Commissaire aux langues officielles.