L'enquête demandée à la Sûreté du Québec par le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) - une procédure exceptionnelle - vise des policiers et non des journalistes, a martelé hier le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil.

Hier à l'Assemblée nationale, le ministre a déposé la lettre confidentielle reçue le 2 février du DPCP pour répondre au député péquiste Bertrand St-Arnaud. Ce dernier a soutenu que M. Dutil a de son propre chef décrété une enquête, ce que ne demandait pas explicitement le DPCP, selon lui.

Or, la lettre rendue publique hier est limpide. Elle s'intitule même Demande d'une enquête sur ordre du ministre afin que soient examinées des allégations relatives à des infractions criminelles commises par des policiers.

Mardi, La Presse a révélé que le DPCP s'inquiétait devant l'évidence que le contenu d'une déclaration sous serment remiss à un juge pour justifier le recours à l'écoute électronique s'était retrouvé dans plusieurs médias. La lettre déposée hier confirme ces craintes.

Document confidentiel

«Depuis quelques semaines, les médias rapportent, en citant des sources policières anonymes, des éléments de preuve recueillis pendant une enquête criminelle en cours concernant Ian Davidson. [...] Nous sommes extrêmement préoccupés par cette situation. Plusieurs informations divulguées par les médias proviennent d'un affidavit produit au soutien d'une demande d'autorisation d'interception de communications privées.»

«Cet affidavit contient des renseignements sensibles et privilégiés, donc hautement confidentiels, prévient Me Pierre Lapointe dans sa lettre. Conséquemment, nous avons des raisons de croire qu'un ou des policiers ont commis des infractions criminelles en divulguant ces informations confidentielles aux médias.» «Nous considérons qu'il est dans l'intérêt public qu'une enquête criminelle soit instituée pour faire la lumière sur ces allégations», conclut le DPCP.

Deux ans de prison

L'article 193 du Code criminel prévoit que celui qui divulgue le contenu d'une écoute électronique ou même simplement son existence commet un crime punissable de deux ans d'emprisonnement.

À l'Assemblée nationale, hier, avant que la lettre soit déposée, le député péquiste Bertrand St-Arnaud est revenu à la charge. «Au lieu d'ordonner une enquête indépendante sur l'affaire Davidson [...], le ministre a plutôt fait un choix politique: demander une enquête criminelle à la Sûreté du Québec sur les sources journalistiques. Du jamais vu au Québec. Une véritable attaque en règle à la liberté de presse, à un des fondements de notre démocratie», a-t-il lancé.

«Le DPCP demande une enquête au ministre de la Sécurité publique parce qu'il estime qu'il y a des crimes qui ont été commis. De quel droit, de quelle façon le ministre de la Sécurité publique pourrait-il s'objecter au DPCP pour que cette enquête-là ait lieu?», a répliqué le ministre Dutil.

C'est la troisième fois que le DPCP demande au ministre de la Sécurité publique de déclencher une enquête en vertu de la Loi sur la police.