La volonté de la Coalition avenir Québec de rouvrir les conventions collectives des enseignants et les ententes conclues avec les médecins va soulever un violent ressac. Les centrales syndicales envisagent désormais un mouvement concerté pour bloquer la route du pouvoir à François Legault.

Pour le président de la CSN, Louis Roy, François Legault «se disqualifie comme chef de gouvernement» avec cette menace. «Il dit qu'il va déchirer la parole donnée, renier la signature de l'État.» Selon lui, il ne serait pas surprenant que les centrales recommandent d'une seule voix à leurs membres de tourner le dos à la CAQ.

Il y a des précédents pour ces consignes. Les centrales se sont opposées aux conservateurs de Stephen Harper l'an dernier et avaient concentré leurs tirs vers l'ADQ, en 2003.

Les centrales se rencontrent jeudi pour accorder leurs violons en prévision du budget Bachand. «Il est bien possible» qu'en point de presse, dimanche, elles pointent leurs canons vers la CAQ et François Legault.

«C'est un semeur de vent, il va récolter la tempête!», prévient Réjean Parent, président de la CSQ, dans un entretien avec La Presse. M. Parent avance que les conventions signées ont une «influence positive sur la cote de crédit du Québec». Le système de l'éducation québécois «est parmi le peloton de tête», poursuit-il. «L'OCDE le dit, et ce n'est pas précisément un bureau syndical de gauche.»

M. Legault veut procéder à l'évaluation des compétences des professeurs. Or, la sécurité d'emploi des conventions collectives ne protège pas les employés incompétents», dit Daniel Boyer, secrétaire général de la FTQ, qui a passablement de membres dans le soutien scolaire.

La FTQ, la CSN et la CSD se sont rencontrées de façon officieuse lundi soir. «Il y a des bonnes chances qu'on s'active un peu, tant ce que propose la CAQ va contre nos valeurs», dit M. Boyer. Le DGE s'est déjà prononcé contre une campagne publicitaire organisée des centrales en campagne électorale, «mais il ne nous a pas dit qu'on ne pouvait pas parler à nos membres», souligne M. Boyer.

Du côté de la Fédération des commissions scolaires, que veut abolir la CAQ, on est aussi prêt à monter au créneau. La présidente, Josée Bouchard, déplore que M. Legault martèle qu'au chapitre du décrochage, rien n'a changé depuis 20 ans. «C'est totalement faux, dit-elle. Entre 2002 et 2009, le taux de réussite des étudiants de moins de 20 ans est passé de 67 à 74%. La cible pour 2020, est de 80%! On est en constante évolution.»

Réunie en caucus présessionnel hier à Québec, la CAQ a indiqué qu'il serait légitime de rouvrir les conventions collectives des médecins et des enseignants, même si elles n'ont été signées que l'été dernier. Mais pour ce faire, il demande un appui massif des électeurs. «Il faut avoir l'appui de la population. Si on n'a pas de mandat clair, c'est difficile de faire des changements comme on le propose», a affirmé M. Legault, qui se dit victime d'une campagne de «démonisation».

Les médecins sont moins hostiles

La CAQ rouvrirait aussi les conventions collectives des omnipraticiens pour changer leur mode de rémunération. «Plutôt que de seulement payer les médecins à l'acte, on veut donner une partie importante - environ 50% - de la rémunération à la prise en charge (de patients) dans un groupe de médecine familiale», propose M. Legault.

Un Québécois sur quatre n'a pas de médecin de famille, mais selon la CAQ, il ne manque pas d'omnipraticiens. M. Legault montre plutôt du doigt l'organisation du travail.

Le Dr Louis Godin, président de la Fédération des médecins omnipraticiens (FMOQ), répond que les nouvelles ententes «incluent des mesures pour favoriser l'accès à des médecins de famille». Malgré tout, il ne s'offusque pas que M. Legault veuille les réviser. «On est ouvert à revoir les façons de faire. Toute mesure qui rendra la médecine familiale plus attractive, on sera toujours prêts à regarder ça», a-t-il affirmé.

L'éducation selon la CAQ

La CAQ abolira les agences de santé et les commissions scolaires, et elle changera complètement le mode de rémunération des enseignants et des médecins omnipraticiens. Les enseignants recevraient une augmentation de 20% à 30%, et les augmentations les plus importantes iraient à ceux des écoles défavorisées, a indiqué M. Legault. Ces hausses coûteraient environ un milliard de dollars à l'État.

En échange, on évaluerait le travail des enseignants. Une certaine forme d'évaluation se fait déjà, reconnaît M. Legault. Mais la méthode et les conséquences «ne sont pas claires», soutient-il. La CAQ évaluerait les enseignants à partir des résultats d'élèves. On comparerait les écoles de milieux socioéconomiques semblables pour éviter les biais. Les directeurs d'école pourraient ajouter des éléments qualitatifs à cette évaluation. M. Legault dit qu'il discutera avec les enseignants pour évaluer la possibilité de recourir à d'autres méthodes d'évaluation.