Le gouvernement Charest semble peu enclin à répondre aux demandes d'Isabelle Gaston.

Les deux enfants de Mme Gaston ont été assassinés par son ex-conjoint, Guy Turcotte. Elle a mis en ligne la semaine dernière une pétition pour demander un meilleur traitement des parents d'enfants victimes d'actes criminels. La pétition souligne que «pour un parent, il n'y a pas pire crime que celui de se faire tuer son enfant».

On y demande que les parents soient considérés comme des victimes, au même titre que leur enfant, et qu'ils aient droit à une meilleure compensation financière durant leur réadaptation. Elle demande d'augmenter la somme consentie pour les frais funéraires et la psychothérapie et suggère aussi d'augmenter le nombre de séances.

«Le Québec est l'endroit qui est le plus généreux dans les programmes d'indemnisation aux victimes d'actes criminels et c'est bien parce que ça reflète nos valeurs. Maintenant, on a reçu le rapport, on va en faire l'examen et on verra ce sur quoi on peut s'avancer, surtout dans le contexte économique actuel», a affirmé lundi le premier ministre Jean Charest.

Rapport Lemieux

Il faisait référence au rapport commandé à l'ex-bâtonnière du Québec Micheline Lemieux et déposé en juin 2008. Me Lemieux y proposait de moderniser le régime d'indemnisation des victimes d'actes criminels (IVAC). Le gouvernement a attendu jusqu'à juin 2011 pour le rendre public. Il l'a accompagné d'une contre-expertise du spécialiste Pierre Dion, qui a soutenu que Mme Lemieux avait sous-estimé les coûts des réformes proposées.

L'IVAC a été créé il y a 40 ans. Me Lemieux a formulé 68 recommandations pour le moderniser. Elle voulait entre autres que toutes les victimes d'actes criminels soient dédommagées, sans égard au type de crime. Cela aurait, notamment, profité aux victimes de menaces de mort. Me Lemieux estimait ces coûts additionnels à 5 millions par année. La facture augmenterait plutôt de 10 à 15 millions, selon la contre-expertise commandée par le gouvernement.

Le rapport Lemieux proposait aussi d'augmenter l'aide pour le transport des dépouilles aux funérailles, d'accorder un pouvoir discrétionnaire pour élargir la notion de proche pouvant bénéficier d'aide psychothérapeutique ainsi que de remplacer les rentes viagères par une indemnité pour préjudice corporel et psychique permanent. Selon elle, cette dernière mesure coûterait 176 millions de dollars. Cela coûterait plutôt plus de 330 millions, a soutenu M. Dion.

Jointe lundi, Me Lemieux n'a pas voulu commenter les demandes d'Isabelle Gaston. «Mon mandat s'est terminé le jour où j'ai déposé mon rapport», a-t-elle justifié.

«C'est un régime extrêmement coûteux, reconnaît toutefois Me Lemieux. On est les seuls au Canada à dépenser autant. Plusieurs ministres de la Justice ont demandé à des experts de se pencher sur le régime. Ces rapports ont rarement conclu à quelque chose qui allégeait la facture. On a fait des choix de société de donner beaucoup, mais on réalise tout de même qu'il reste encore de grands besoins. L'État a des choix très difficiles à faire», ajoute-t-elle.

Au cabinet du ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, on se dit «très sensible» au sort des victimes d'actes criminels. Mais on s'empresse de rappeler que les victimes reçoivent 100 millionsde dollars par année en aide et en indemnisation. C'est plus que toutes les autres provinces réunies, qui versent ensemble un total de 75 millions, explique-t-on. À titre de comparaison, l'Ontario y consacre 32 millions.

La pétition de Mme Gaston

Dimanche, à l'émission Tout le monde en parle, Isabelle Gaston a affirmé qu'elle juge insuffisants les 3000$ offerts pour les frais funéraires. Les 10 séances de consultation avec un psychologue «sans possibilité de prolongation» lui paraissent également trop peu.

Les appuis à Mme Gaston se sont rapidement multipliés au lendemain de son passage remarqué à l'émission. Lundi soir, au moment de mettre sous presse, 11 741 personnes s'étaient rendues sur le site de l'Assemblée nationale pour signer la pétition.

La pétition a été parrainée par le député péquiste de Prévost, Gilles Robert. Depuis la mise en ligne de pétitions sur le site de l'Assemblée nationale en 2009, c'est celle pour demander la démission de Jean Charest qui a récolté le plus de signatures: 247 379. Cette pétition avait été parrainée par le député Amir Khadir, un habitué de ce processus. Il en a parrainé 47 en trois ans.

- Avec Daphné Cameron