François Legault a pris le contrôle de l'Action démocratique du Québec comme un entrepreneur achète une entreprise, déplore Claude Garcia, président de la commission politique de l'ADQ, farouchement opposé à la fusion du parti avec la coalition de l'ancien ministre péquiste.

«Ils se comportent comme si ce parti leur appartenait. Or, il appartient aux membres», lance M. Garcia, qui refuse de préciser quel serait le plan de match des opposants à la fusion, si elle était approuvée par les 2500 membres de l'ADQ.

Sursaut

M. Garcia, ancien président de Standard Life, a bondi quand il a lu dans La Presse que l'éminence grise de son parti, Jean Allaire, soutient que les plateformes de la CAQ et de l'ADQ sont à 80% identiques. Lors d'un conseil général de l'ADQ, en mai dernier à Trois-Rivières, Me Allaire a fait battre sur le parquet une série de propositions jugées «subitement» trop à droite. «Me Allaire faisait tout de même partie du comité du parti qui avait approuvé les mêmes propositions quelques jours plus tôt», rappelle M. Garcia.

Or, des gens proches de M. Legault ont alors convaincu Me Allaire de recentrer le programme adéquiste. Claude Garcia réprouve plusieurs engagements de la CAQ. «En éducation, je pense comme M. Legault qu'il faut améliorer l'éducation, mais pas en augmentant le salaire des professeurs de 20%», résume-t-il. On gèle le financement des écoles privées, qui seront sous pression à cause des salaires plus élevés dans le secteur public.

Caisse de dépôt

M. Legault veut intervenir davantage dans les décisions de la Caisse de dépôt. Or, selon M. Garcia, les interventions des gouvernements successifs ont freiné la performance de la Caisse, faisant en sorte que le rendement ne soit que de 3,7 sur 10 ans au lieu du taux de 5,9 obtenu par la caisse du Canada Pension Fund. «En 2002, on a décapité la Caisse, on a refait ça en 2009. Il y a continuellement des interventions et M. Legault propose d'aller plus loin encore, il veut transformer la Caisse en une gigantesque Société générale de financement» où les décisions d'investir seraient gérées par Investissement Québec. En entrevue à La Presse Canadienne, cette semaine, M. Legault a indiqué vouloir revoir le rôle de l'État dans l'économie en centralisant tous les pouvoirs en matière de développement économique à Investissement Québec, s'il devient premier ministre. La société d'État deviendrait un guichet unique chargé de soutenir financièrement le démarrage d'entreprises et d'attirer des entreprises étrangères.

«Comme une entreprise privée»

Selon M. Garcia, MM. Legault et Deltell ont fait bien peu de cas de la base militante adéquiste en fusionnant les deux partis. «C'est comme une prise de contrôle d'une firme privée», résume-t-il.

Il s'offusque surtout quand les dirigeants de l'ex-ADQ brandissent un avis juridique pour refuser aux adversaires de la fusion l'accès à la liste des membres du parti. «C'est ridicule de soutenir que cette liste ne peut circuler; quand il y a une course à la direction, pensez-vous que les candidats n'ont pas eu accès aux listes de membres?»

«Pourquoi nous refuse-t-on cette liste? Uniquement parce qu'ils ne veulent pas qu'on puisse joindre les membres pour influencer leur choix», accuse M. Garcia. Les membres sont appelés à se prononcer par la poste sur le projet de fusion, du 5 au 12 janvier. Le résultat sera dévoilé le 22.

L'homme d'affaires repousse d'un revers de main les attaques de Me Allaire, selon qui les adversaires de la fusion sont «une trentaine, dont la moitié n'est pas membre du parti». «En affaires, la pire erreur est de sous-estimer l'adversaire», prévient-il.