Jean Charest s'est porté mercredi à la défense du fédéralisme canadien malgré les rebuffades servies au Québec par le gouvernement conservateur en matière de justice.

En Chambre, le premier ministre a refusé de s'associer à une motion présentée par l'opposition péquiste appelant le gouvernement à entreprendre des démarches pour doter le Québec de ses propres lois criminelles, dont un code criminel, «qui reflèteront les valeurs fondamentales des Québécoises et des Québécois».

M. Charest n'a pas mordu à l'hameçon. Le gouvernement du Québec ne va pas accréditer une manoeuvre destinée à mousser la souveraineté, a-t-il tranché pendant la période de questions.

Selon lui, le Parti québécois exploite le refus catégorique du gouvernement fédéral d'amender son projet de loi C-10 - qui durcit les peines pour les jeunes contrevenants - pour provoquer une nouvelle crise politique.

«Quand Jacques Parizeau dit qu'il faut créer de la chicane pour favoriser la souveraineté, dans le fond, c'est exactement ça que vous essayez de faire, et la réponse à votre question, c'est: non, on ne jouera pas votre jeu, on ne votera pas pour une motion qui a pour but de faire la promotion de la souveraineté», a-t-il fait savoir.

Le Québec peut être en désaccord avec un projet de loi fédéral sans pour autant vouloir réécrire la Constitution ou se «séparer» du reste du pays, a poursuivi le premier ministre, rappelant que d'autres provinces, dont l'Ontario, ont exprimé des réserves sur le projet de loi C-10.

«Au PQ, ils croient qu'il y a une contradiction entre le fait d'être québécois et canadien. La preuve est faite, ne serait-ce que dans le cas du projet de loi C-10, que d'autres Canadiens nous rejoignent parfaitement justement sur les énoncés de valeur», a-t-il dit.

En dépit des désaccords, les Québécois «croient en leur pays» et «sont parfaitement à l'aise à l'idée qu'ils sont à la fois québécois et canadiens», a ajouté le premier ministre.

Pour la suite des choses, le gouvernement «prendra ses responsabilités», a assuré M. Charest, refusant de dire s'il entendait donner des instructions aux procureurs québécois pour que les dispositions du projet de loi C-10 ne s'appliquent pas sur le territoire québécois.

En vertu de la Constitution canadienne, le gouvernement fédéral est responsable de la juridiction criminelle alors que les provinces ont la charge de l'administration de la justice.

«Il y a une compétence qui relève de nous, c'est l'administration de la justice et au moment où on traversera ces étapes-là, au moment où on y arrivera, on fera un examen de la manière dont nous allons assumer cette responsabilité», a expliqué le premier ministre québécois.

En totale rupture avec ses prédécesseurs Robert Bourassa et Claude Ryan, le chef libéral «préfère défendre le fédéralisme plutôt que de défendre les valeurs et les intérêts du peuple québécois», a rétorqué la chef péquiste Pauline Marois.

Pendant que le gouvernement libéral essuie revers après revers, Ottawa s'apprête à imposer un projet de loi qui va heurter de plein fouet l'approche québécoise basée sur la réhabilitation des jeunes contrevenants plutôt que sur la répression.

«Le modèle québécois de justice pénale pour les adolescents sera littéralement jeté aux poubelles, et l'adoption de C-10 pourrait coûter 500 millions de dollars aux Québécois. C'est le ministre de la Sécurité publique qui le dit», a lancé Mme Marois.

Plus tard en point de presse, le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier a dénoncé «la rhétorique séparatiste» de l'opposition officielle.

«Je regrette que cette position qui divise les Québécois sur la séparation vienne contaminer et affaiblir l'unanimité que nous avons pour soutenir nos centres jeunesse», a-t-il affirmé.

M. Fournier a fait deux visites à Ottawa pour tenter, en vain, de convaincre le gouvernement de Stephen Harper de revoir ses positions sur les jeunes contrevenants.

Même si la loi C-10 est adoptée, elle ne sera que temporaire, selon lui.

«Ce projet de loi n'est supporté par aucun fondement scientifique, aucune base raisonnée et ce qui n'est pas supporté, d'habitude, a tendance à tomber», a-t-il dit.