Le gouvernement du Québec a demandé, jeudi, des excuses aux adéquistes au nom de la nation innue.

Le premier ministre Jean Charest les a accusés de dépeindre les autochtones comme des «alcooliques et des toxicomanes».

Il a ainsi réagi en Chambre aux positions de l'Action démocratique sur l'argent versé par Hydro-Québec aux communautés autochtones. Les adéquistes se sont insurgés, mercredi, contre la distribution de chèques, avec cet argent, par les conseils de bande à leurs membres, dans des collectivités minées par l'alcoolisme et la toxicomanie.

Dans la réserve de Mingan, sur la Côte-Nord, chaque adulte a reçu un chèque de 3000 $, à même les 2,4 millions $ accordés par Hydro, selon les estimations de l'ADQ, bien que d'autres sources parlent de montants pouvant aller jusqu'à 6000 $ par adulte et 1500 $ par mineur.

L'enveloppe d'Hydro a été versée dans le cadre des ententes relatives au chantier hydroélectrique de La Romaine, mais même le ministre responsable d'Hydro peinait jeudi à préciser les termes des ententes.

À l'Assemblée nationale, Jean Charest s'est emparé de l'affaire en accusant les adéquistes de colporter des préjugés. Il les a traités de «caquistes», donc d'être à la solde du futur parti de François Legault, la Coalition pour l'avenir du Québec.

«(...) Au lieu de «peinturer» les premières nations comme étant des alcooliques et des toxicomanes, comme vous l'avez fait hier (mercredi), vous auriez pu faire un petit peu de nuance, dans l'intérêt des Québécois, pour dire que, oui, ils ont des problèmes, puis, oui, on va travailler avec eux», a-t-il lancé en Chambre, en vantant du même souffle son Plan Nord, en réponse à une question de chef adéquiste Gérard Deltell.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, a aussi dénoncé l'attitude «méprisante» de l'ADQ. Il a rapporté les mots du chef Jean-Charles Piétacho, qui a démissionné récemment de son poste de chef de Mingan et qui a dit être insulté et blessé par les propos tenus par le député adéquiste de Shefford, François Bonnardel, la veille.

«Comment se fait-il que le député de Shefford n'a jamais essayé de contacter le chef, n'a jamais mis ses pieds dans cette communauté? Je fais écho à la demande du chef Mckenzie, de Uashat-Maliotenam, pour demander au député, à sa formation politique, des excuses.»

En conférence de presse conjointe avec M. Kelley, le ministre des Ressources naturelles, Clément Gignac, responsable d'Hydro, a renchéri en déclarant que les adéquistes «alimentent les antagonismes», en faisant «le lien entre le montant que (les autochtones) ont reçu et qu'ils iraient se droguer et aller boire cet argent».

Par contre, M. Gignac reste dans le brouillard quant aux ententes conclues par Hydro et les autochtones. Il a dit qu'il attendait toujours des réponses de la direction de la société d'État sur les modalités du versement de ce fonds d'insertion d'un total de 5 millions $.

Il a démenti qu'Hydro a voulu acheter le silence de la communauté avant les audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

«Ça n'a n'a pas été pour acheter le silence de la communauté. Il y a un peuple qui est là. (...) Le conseil de bande a décidé d'utiliser une petite portion pour une distribution à leurs citoyens. Ce n'est pas Hydro-Québec qui a versé des chèques, ce n'est pas Hydro-Québec qui a acheté des votes. Ça n'a rien à voir.»

M. Bonnardel a pour sa part affirmé qu'il n'est pas question pour lui de présenter des excuses. Il n'y voit qu'«hyprocrisie» et «aveuglement volontaire» du gouvernement. Il soutient qu'il a consulté des leaders autochtones avant de faire sa sortie, mais il n'a pas voulu divulguer lesquels.

«Le gouvernement fait de la petite politique en disant que ce sont des préjugés et que je veux diviser les Québécois, a-t-il dit en conférence de presse. C'est faux, c'est faux. Je veux les aider. Et ce n'est certainement pas en faisant de l'aveuglement volontaire, comme le premier ministre Charest le fait, là. Il a agi en clown, ce matin, face au problème, qui est grave.»

En même temps, il estime qu'il ne faudrait pas mettre tout cet argent dans les mains des conseils de bande, qui l'utilisent à loisir selon les voeux de leurs commettants.

«Quand on voit le problème que ça a amené, surtout la confirmation des leaders qui m'ont dit: «François, c'est vrai. C'est vrai que le problème est là, il ne faut pas le cacher.» (...) Quand 30 pour cent à 40 pour cent, près de la moitié de la population, vit peut-être des problèmes sociaux importants, je me dis qu'on se doit de les aider.»