Hydro-Québec devait financer des projets économiques et culturels dans la communauté innue de Mingan à titre de compensation pour le mégaprojet hydroélectrique de la Romaine, sur la Côte-Nord. Or, la première tranche de 2,5 millions de dollars a plutôt pris la forme de chèques de 3000 $ distribués à chaque autochtone, dénonce l'Action démocratique du Québec (ADQ).

Selon le député François Bonnardel, cette distribution de chèques est «immorale» et «irresponsable». Elle a «des conséquences néfastes dans des communautés qui vivent de graves problèmes sociaux». Quelque 40% des membres de cette communauté souffrent de toxicomanie ou d'alcoolisme, et 30% ont des problèmes de jeu, a-t-il fait valoir. Cette statistique figure dans une étude préparée par Hydro-Québec elle-même en 2007, au moment de l'analyse des impacts du projet de la Romaine. «Avec des problèmes sociaux aussi importants, je pense qu'il faut les aider et développer des projets, et non leur verser directement l'argent», a affirmé M. Bonnardel.

Hydro-Québec et la communauté innue d'Ekuanitshit (Mingan) ont conclu en 2009 une entente qui prévoit des compensations pour le projet de la Romaine. L'ADQ a tenté d'obtenir le texte de l'entente, en vain. La société d'État a appelé La Presse pour dire qu'elle était confidentielle.

Selon un communiqué d'Hydro-Québec daté du 27 mars 2009, «l'entente prévoit la mise en place de fonds qui permettront la réalisation de projets de développement économique, culturel et communautaire». La société d'État doit verser au total 75 millions pendant les 60 ans que dure cette entente. Cette somme est gérée par une société commune formée par Hydro-Québec et la communauté innue, toujours selon le communiqué de presse.

Ces informations se révèlent toutefois incomplètes et, en partie, contraires à la réalité. Selon ce qu'a appris La Presse de source sûre, l'entente prévoit la création d'un fonds de 5 millions dont la gestion est laissée à la discrétion du Conseil des Innus - et non confiée à la société commune. Ce «fonds d'insertion d'Hydro-Québec» a été créé peu de temps après la signature de l'entente. À la suite d'une décision du Conseil des Innus, la moitié des 5 millions a été redistribuée sous forme de chèques aux quelque 500 membres de la communauté. L'autre moitié a servi à l'administration de la communauté et au financement de la corporation de développement économique. Le «fonds d'insertion» est donc épuisé.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Geoffrey Kelley, «préfère toujours» que les fonds d'Hydro-Québec servent à financer des projets communautaires. Mais «une fois que l'argent est versé aux élus de la communauté, ils ont fait des choix. Et moi, je dois respecter ces choix», a-t-il plaidé.