Le torchon brûle à l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Étonnamment, le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a confirmé sans détour hier l'affrontement entre le commissaire Robert Lafrenière et son collègue Jacques Duchesneau.

«Dans toutes les organisations, il y a parfois des frictions. Ça arrive dans n'importe quelle organisation, qu'on le sache publiquement ou qu'on ne le sache pas publiquement», a répondu le ministre aux questions du péquiste de Verchères, Stéphane Bergeron, hier à l'Assemblée nationale.

«Je pense qu'on n'a pas besoin d'aller chercher bien loin pour trouver ce genre de friction et ce genre de combat entre des membres d'une même organisation. Ça fait partie de la vie, c'est normal, tout le monde n'a pas la même opinion sur tous les sujets», a soutenu le ministre Dutil.

«Dans cette situation-là, malheureusement, elle [la friction] est publique... M. Lafrenière a dit qu'il rencontrerait M. Duchesneau, ce qui est tout à fait approprié, je pense, dans les circonstances», a-t-il ajouté. Plus tôt, M. Dutil avait soutenu qu'en dépit de ces frictions entre les deux policiers, l'UPAC n'avait rien perdu de son pouvoir d'intervention. «Dans toutes les organisations, quel que soit le degré d'importance de la décision, il y a des avis divergents. Il paraît qu'Eisenhower et ses généraux, avant de lancer le jour J, n'étaient pas encore tout à fait d'accord sur la date», a illustré le ministre.

Ce n'est pas la première fois que Jacques Duchesneau défie l'autorité qu'on lui a imposée. Comme patron de la police de Montréal, il a déjà retiré tous ses effectifs de Carcajou, pour obtenir l'alternance des corps de police à la direction de cette escouade antidrogue et des budgets supplémentaires, rappellent des sources policières.

Un gros poisson bientôt

En entrevue à Paul Arcand hier, M. Lafrenière a rappelé que Jacques Duchesneau a déjà dit publiquement qu'il comptait quitter son poste de responsable de l'escouade anticollusion avant la fin de son mandat de deux ans, en mars 2012. Hier, M. Lafrenière «ne pouvait exclure» cette fin prématurée. «Je vais voir quel est son agenda», a-t-il dit.

Hier, M. Lafrenière a prévenu qu'il espérait que son groupe allait interpeller un des dirigeants du réseau de la corruption dans la construction au cours des prochaines semaines. «On sent qu'on approche de la finalité», a-t-il soutenu, ajoutant qu' «il n'y a pas de petit crime», mais que son groupe visait «le parrain le plus haut possible».

«Ça s'en vient, je sais que les gens ont hâte», a-t-il souligné. «On va aller le plus haut possible dans la hiérarchie, c'est en train de se ficeler», a-t-il soutenu.

En Chambre, le député Stéphane Bergeron a souligné que «la confirmation est venue de haut: rien ne va plus à l'Unité permanente anticorruption». Selon lui, le point de presse de Robert Lafrenière «n'avait qu'un seul but, répliquer à Jacques Duchesneau et faire contrepoids à sa demande sans équivoque pour la tenue d'une commission d'enquête».

«Deux policiers d'expérience, deux visions qui s'affrontent. Un vaudeville qui ne rassurera pas les Québécois. Pendant qu'ils se renvoient la balle, sur la place publique, les criminels qui fraudent l'État continuent à obtenir des contrats», a-t-il lancé.

- Avec Paul Journet