Le gouvernement Charest éliminera les «tracasseries administratives» qui poussent des enquêteurs d'expérience à déserter l'Unité permanente anticorruption (UPAC). Le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec l'accusent d'avoir inventé ces tracasseries afin de saboter les travaux de l'UPAC.



C'était avant la tempête provoquée par le dévoilement par Radio-Canada d'un rapport de l'escouade anticollusion du ministère des Transports.

La Presse révélait mercredi que les trois quarts des enquêteurs et agents de renseignement de l'unité anticollusion de Jacques Duchesneau, notamment d'ex-policiers spécialistes du crime organisé, ne pourraient être intégrés à l'UPAC créée en février. La raison: ils ne sont pas des fonctionnaires. En avril, on a dit à la quinzaine d'enquêteurs de l'escouade Duchesneau qu'ils devaient se présenter à un concours d'entrée dans la fonction publique afin de pouvoir poursuivre leur travail. Une dizaine d'entre eux, choqués et dépités, ont refusé. Certains ont déjà quitté leur emploi. Notons qu'ils étaient contractuels au MTQ.

À l'entrée de la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres, la présidente du Conseil du Trésor, Michelle Courchesne, a assuré que les enquêteurs pourront se joindre à l'UPAC sans problème. Il n'y aura, a-t-elle promis, «aucune contrainte» pour renouveler les contrats des enquêteurs. «Nous allons prendre tous les moyens pour ne pas perdre les meilleurs éléments.»

«J'ai des discussions avec mon collègue Robert Dutil (ministre de la Sécurité publique) et Robert Lafrenière (patron de l'UPAC) pour les assurer que nous allons déployer toute la flexibilité requise pour que ces gens-là puissent travailler sans se soucier de ces tracasseries administratives et qu'ils aient le statut qu'ils désirent avoir. C'est vrai que ces gens-là ont une expertise. Cette expertise est importante. Il faut qu'on soit capable de la maintenir.»

Certes, en vertu de la loi, les employés de l'UPAC - un organisme gouvernemental - doivent être des fonctionnaires. Mais tous les ministères et organismes peuvent recourir à des contractuels pour des services professionnels, a souligné Mme Courchesne. Les enquêteurs pourront donc rester contractuels.

Selon elle, le gouvernement «ne tarde pas» à éliminer les «tracasseries administratives». Or, des enquêteurs ont déjà claqué la porte. La ministre n'a pas dit si on allait tenter de les ramener.

Michelle Courchesne a fait valoir que 1000 personnes se sont présentées au concours lancé par le Conseil du Trésor pour pourvoir des postes à l'UPAC. De ce nombre, 259 se sont qualifiées. Les dirigeants de l'UPAC feront leur choix dans ce bassin. «C'est faux de dire que l'UPAC ne fonctionne pas», a soutenu la ministre.

«Une coquille vide», dit l'opposition

Le député péquiste Stéphane Bergeron soupçonne quant à lui le gouvernement d'avoir introduit le concours d'entrée dans la fonction publique «pour empêcher que les choses se fassent correctement». «La question se pose: est-ce que le gouvernement a mis en place pour la galerie quelque chose d'impressionnant, mais qu'au fond, il n'avait pas vraiment l'intention de faire en sorte que l'UPAC soit véritablement opérationnelle?» Il a ajouté que le gouvernement s'était également «organisé pour se mettre à dos les procureurs de la Couronne», qui refusent de faire partie» de l'UPAC. Selon lui, cette structure est une «coquille vide».

La députée adéquiste Sylvie Roy croit elle aussi que la «confusion administrative» a été «orchestrée» par le gouvernement. «On sabote carrément le travail qu'aurait pu faire l'UPAC», a-t-elle dit. Et pourquoi les libéraux voudraient-ils nuire à l'UPAC? «Ils ne veulent pas avoir de résultats. C'est ça, le problème, a-t-elle répondu. Ils ont peut-être peur de ce que les enquêteurs vont trouver.»

Michelle Courchesne rejette ces accusations. «On n'a aucun intérêt à faire ça, a-t-elle répliqué. Nous donnerons à l'UPAC toutes les ressources nécessaires pour accomplir ses mandats. C'est une priorité.»

Par ailleurs, Sylvie Roy trouve que «ça n'a aucun sens» que des enquêteurs chargés de se pencher sur des allégations de corruption soient des fonctionnaires relevant du ministre de la Sécurité publique. «Ça ne se fait pas, que l'exécutif soit le boss du judiciaire», a-t-elle lancé.

Michelle Courchesne a répliqué qu'il y a des enquêteurs et des inspecteurs dans plusieurs ministères, à titre de fonctionnaires.