L'attachée politique d'un député néodémocrate a l'intention de représenter Québec solidaire à l'occasion d'une élection complémentaire provinciale, relançant ainsi le débat sur les allégeances idéologiques des élus du Nouveau Parti démocratique (NPD).

Patricia Chartier, une employée du député de Gaspésie-Les Îles-de-la-Madeleine, Philip Toone, a confirmé vendredi à La Presse Canadienne qu'elle serait la candidate de Québec solidaire dans la circonscription de Bonaventure laissée vacante par le départ de Nathalie Normandeau.

Le Parti québécois a dénoncé sur Twitter l'apparente contradiction des convictions politiques de Mme Chartier.

«Fédéraliste au travail et souverainiste en campagne?» a écrit le député péquiste Pascal Bérubé avant de se demander si M. Toone accorderait publiquement son soutien à son attachée politique.

Le NPD et Philip Toone n'ont pas retourné les appels de La Presse Canadienne vendredi.

Rejointe à l'un des bureaux de circonscription de son patron, Patricia Chartier a refusé de discuter de sa candidature pour Québec solidaire au travail. Elle a promis d'expliquer sa position durant le week-end.

Ce ne sera pas la première fois que Mme Chartier défend les couleurs de Québec solidaire. Aux élections de 2008, elle avait fini bonne dernière, soit plus de 10 000 votes derrière la candidate libérale Nathalie Normandeau.

Les allégeances politiques de plusieurs des 59 députés néodémocrates du Québec ont été scrutées à la loupe depuis la vague orange qui a submergé la province le 2 mai dernier.

Le débat n'a fait que s'amplifier lorsque le Globe and Mail a révélé que la chef du NPD par intérim, Nycole Turmel, avait déjà été membre du Bloc québécois et de Québec solidaire.

Avec 5000 membres et un seul député à l'Assemblée nationale, Québec solidaire est un petit joueur dans l'arène politique québécoise.

La formation a clairement des choses en commun avec le NPD, notamment en ce qui concerne la lutte contre la pauvreté et la protection de l'environnement. Mais les deux partis divergent sur un point fondamental: les candidats de Québec solidaire doivent être souverainistes.

«Québec solidaire étant un parti souverainiste, on exige que les candidats soient à l'aise avec ce choix et ne disent évidemment pas le contraire», a déclaré Françoise David, porte-parole de la formation avec Amir Khadir.

«Mme Chartier, je la connais depuis plusieurs années. Elle est d'abord et avant tout une militante qui a travaillé dans le sens de la justice sociale. Moi, je ne lui ai pas fait passer d'examen pour savoir jusqu'à quel point entre 0 et 10 elle était souverainiste.»

Elle a précisé que l'attachée politique prendrait un congé sans solde auprès du NPD au début de la campagne pour l'élection complémentaire, dont la date n'a pas encore été fixée.

Patricia Chartier a travaillé pendant de nombreuses années dans la circonscription de Bonaventure, qui couvre grosso modo le même territoire que la circonscription détenue par M. Toone.

Selon Françoise David, Mme Chartier considère son travail auprès du député néodémocrate comme une chance de faire avancer les idées progressistes.

«Je peux comprendre que, pour les gens du Canada anglais, ça puisse sembler plein de contradictions ou de zones grises, mais c'est la réalité québécoise, a indiqué Mme David. Il y a plein de gens qui veulent construire un Québec progressiste et même, dans certains cas, moi je l'ai vu le 2 mai, des gens qui peuvent être souverainistes et voter NPD.»

La percée du NPD au Québec lors des dernières élections fédérales a pratiquement rayé le Bloc québécois de la carte électorale. Celui-ci ne détient plus que quatre sièges à la Chambre des communes.

Les analystes ont émis l'hypothèse que les néodémocrates avaient réussi à rallier des électeurs qui, par le passé, avaient voté pour des partis souverainistes.

Les idées progressistes au Québec ont été si étroitement associées au mouvement indépendantiste qu'il peut être difficile de démêler les deux.

«Le »mainstream« québécois est en grande partie souverainiste et ça fait partie de notre société, ce n'est pas quelque chose de marginal», a expliqué Christian Dufour, qui enseigne la politique à l'École nationale d'administration publique (ENAP). «En même temps, les Québécois sont très ambivalents. Ils peuvent avoir un mélange d'aspirations politiques.»