Cela semblait être la phrase prononcée le plus souvent dans le Vieux-Montréal hier: «On n'en est pas rendu là». À tour de rôle, les députés de l'ADQ ont utilisé cette formule pour ne pas parler d'une possible alliance avec François Legault.



Mais ils ont continué de préparer le terrain. Même s'ils prônent un resserrement des dépenses de l'État, les adéquistes ne s'opposent aux 400 millions $ que M. Legault voudrait dépenser de plus chaque année pour la langue, la culture et l'immigration.

«Ça ne serait pas un mauvais investissement», a justifié Janvier Grondin. «C'est certainement un montant important», remarque son collègue François Bonnardel. Mais cet investissement serait acceptable s'il s'accompagnait «ménage» dans les dépenses de l'État. Son chef Gérard Deltell partage son avis.

En mai dernier, La Presse révélait que les entourages de MM. Legault et Deltell préparaient déjà une fusion. À son dernier congrès à Trois-Rivières, l'ADQ s'était rapprochée de M. Legault en recentrant ses positions.

Certaines des positions de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) contredisent celles de l'ADQ. Contrairement à l'ex-ministre péquiste, l'ADQ veut augmenter le rôle du privé en santé.

Gérard Deltell a minimisé ces différences mercredi. Il s'est dit ouvert à toutes les propositions des quatre textes de la CAQ. «Il n'y a pas vraiment d'idée pour laquelle je peux dire : il n'en est pas question, jamais», a-t-il assuré.

Mais certaines idées contredisent les positions traditionnelles de l'ADQ. M. Deltell préfère parler «d'éléments sur lesquels on peut amorcer des débats». C'est le cas des évaluations des professeurs. M. Deltell se dit «d'accord avec le concept». Mais il a des «réserves» pour l'augmentation de salaire de 20% proposée par la CAQ. Il craint que d'autres professions, comme les infirmières, demandent la même hausse.

Le congrès annuel de l'ADQ, qui devait se dérouler en octobre sur le thème de la santé, a été reporté à l'année prochaine. La raison officielle: on y parlera aussi de transports, et à cause des récents problèmes «aigus» en la matière, l'ADQ a besoin de plus de temps pour se préparer.

Le congrès se déroulera donc après la tournée de consultations de la CAQ dans les régions du Québec cet automne. M. Deltell assure qu'il n'y a pas de lien à faire. Mais lorqu'on le questionne sur une alliance avec la CAQ, il répond: «Laissons M. Legault faire ses consultations en on verra pour la suite.»

François Bonnardel répète quant à lui qu'il faut éviter de diviser «les forces de centre-droite».

Selon un récent sondage CROP-La Presse, le parti en attente de François Legault mène dans les intentions de vote, avec ou sans alliance avec l'ADQ. Pour l'ADQ toutefois, la question de l'alliance est cruciale. Dans une campagne électorale contre François Legault, elle ne récolterait que 5% des votes. Ce qui risquerait de la chasser de l'Assemblée nationale.

Lutte pour le temps

L'ADQ demande au président de l'Assemblée, Jacques Chagnon, que les cinq nouveaux indépendants - les péquistes démissionnaires - ne lui grugent pas son temps de parole ou son budget.

Cela représente une perte de près de 10% du caucus péquiste, soit cinq députés sur 51. Le PQ doit donc conséquemment perdre la même proportion de son temps et de son argent. «C'est simple, c'est mathématique», plaide Gérard Deltell. Il rappelle que c'est ce qui était arrivé à l'ADQ il y a deux ans après la défection de ses députés Éric Caire et Marc Picard.

«L'Assemblée nationale verse 180 000$ pour chaque député de l'ADQ. C'est 100 000$ de plus que pour un député du Parti québécois. Donc oui, je pense que tout ça doit être revu (...). M. Deltell est prêt à ouvrir le débat, je suis content. Je pense que c'est une bonne chose : nous allons tout rouvrir ça», a réagi le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard.

«Quant au temps de parole, ce n'est pas une minute de plus sur un débat d'une heure qui va donner plus de fond à l'ADQ», a-t-il ajouté.

L'adéquiste Sylvie Roy conteste ce calcul. «Il inclut l'argent pour les comtés. Si on faisait la même chose pour le PQ, on aurait une somme beaucoup plus grande.»

Au bureau du président, on indique que la décision sera prise d'ici la rentrée parlementaire, le 20 septembre. On indique qu'il faudra trouver une solution négociée.

«Tomassi déshonore la classe politique»

L'ADQ demande aussi à Tony Tomassi de revenir siéger en Chambre. Depuis son expulsion du caucus libéral, l'ex-ministre de la Famille ne serait venu que deux fois à l'Assemblée nationale: pour enregistrer ses voeux et pour voter sur le nouveau président. «Il déshonore la classe politique», regrette le chef de l'ADQ.

En vertu du nouveau code d'éthique, un député pourra être sanctionné pour son absentéisme. L'ADQ prévoit déposer plainte un plainte dès qu'elle le pourra en fonction des nouvelles règles, en janvier.