C'est un peu court. On pourrait résumer ainsi les réactions au quatrième et dernier texte de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) de François Legault et Charles Sirois, qui propose une vision nationaliste de la langue et la culture (voir le document complet ici.

Pour les deux prochaines années, la CAQ veut réduire de 54 000 à 45 000 le nombre d'immigrants accueillis. C'est ce que proposait l'ADQ de Mario Dumont il y a quelques années. Cette diminution temporaire aiderait à améliorer l'intégration des nouveaux arrivants. On doublerait l'argent investi à cette fin, avec 125 millions de dollars de plus par année. La somme servirait à bonifier leurs cours de français et à mieux les insérer dans le marché du travail.

Mais les bonnes intentions ne suffisent pas, croit Patricia Rimok, ex-directrice du défunt Conseil des relations interculturelles. «Avant de dépenser plus, il faudrait vérifier où va l'argent déjà investi. Et ça, on ne le sait pas vraiment. Il manque d'information pour savoir si les programmes des différents ministères sont efficaces», rapporte-t-elle.

«Il y a quelques aberrations dans ce document », renchérit Stephan Reichhold, directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes (TCRI), qui regroupe quelque 130 organismes communautaires. «En ce moment, on annule des cours de français aux adultes, car il manque parfois d'immigrants en classe. Ajouter plus de ressources ne réglera pas tout.»

Le Conseil du patronat partage son avis. «Je suis un peu perplexe, avoue son président, Yves-Thomas Dorval. On pourrait mieux intégrer nos immigrants sans dépenser, par exemple en s'assurant que leurs diplômes soient reconnus ou en arrimant la grille de sélection à nos besoins en emploi.»

Mme Rimok propose aussi de changer la grille et d'ajuster les cours de français au marché de l'emploi pour enseigner le vocabulaire propre à chaque travail.

Quant à elle, la CAQ précise peu comment elle dépenserait cet argent. Elle affirme que les solutions du Conseil supérieur de la langue française (CSLF), présentées récemment en commission parlementaire, «paraissent prometteuses». On ne mentionne pas lesquelles. Le président du Conseil, Conrad Ouellon, est satisfait de cet appui. «Mais je ne pense pas qu'il faille accueillir moins d'immigrants pour changer l'intégration», précise-t-il.

M. Legault aimerait aussi rouvrir l'Accord Canada-Québec sur l'immigration. En vertu de cet accord, Ottawa ne gère que l'immigration des réfugiés et des réunifications familiales. Elle laisse Québec s'occuper du volet économique. Cette prérogative vient avec un chèque annuel (près de 260 millions en 2010). M. Legault voudrait que Québec s'occupe maintenant aussi des réunifications familiales. «Ça me semble risqué, répond M. Reichhold. Depuis plusieurs années, le fédéral veut rouvrir cette entente, très avantageuse pour Québec. On risquerait de perdre ce qui avait été gagné en 1992 par le négociateur du Québec, Louis Bernard.»

La ministre de l'Immigration et des Communautés culturelles, Kathleen Weil, ne veut pas rouvrir cet accord qui «fonctionne très bien». Elle s'étonne des propositions de la CAQ. Elle croit que M. Legault aurait du assister à la commission parlementaire sur la planification de l'immigration pour «mieux comprendre» le dossier. «La grande majorité des gens étaient d'accord pour ne pas diminuer l'immigration», rappelle-t-elle. «M. Legault aurait dû venir aux consultations», lance-t-elle.

Que l'Office mette ses culottes !

Le français est en « chute ininterrompue » au Québec depuis six décennies et « rien ne laisse présager que cette tendance se renversera ». Le taux de natalité est faible et seul un allophone sur deux fait un transfert linguistique vers le français, constate la CAQ avec inquiétude.

Les Québécois doivent donc s'affirmer et demander d'être servis dans leur langue. L'Office québécois de la langue française doit quant à lui « mettre ses culottes », lance M. Legault. Selon lui, la loi actuelle est adéquate. Il faut que l'Office l'applique mieux.

« Nous travaillons à l'intérieur du mandat qui nous est donné », répond son porte-parole Martin Bergeron. Il rappelle que son organisme ne peut sanctionner les entreprises de 50 employés et moins. Il doit se limiter à la sensibilisation.

« François Legault reconnaît les problèmes, mais il n'a pas le courage d'adopter les solutions », croit Yves-François Blanchet, critique du PQ en matière de langue et d'immigration. Le PQ propose d'appliquer la loi 101 à ces petites entreprises ainsi qu'aux cégeps, ce que refuse la CAQ.

En interview, Charles Sirois a indiqué «ne pas du tout être en désaccord» avec l'application la loi 101 aux entreprises et organismes de compétence fédérale (banques, télécommunication, transport). Selon lui, si l'idée ne figure pas dans le texte du CAQ, c'est parce que «c'est le genre de mesure qui doit être proposée par un parti politique». L'idée ne figure pas dans ses propositions, car «c'est une mesure qui doit être proposée par un parti politique», explique M. Sirois.  

Pour le cégep, le CAQ suggère plutôt d'injecter 125 millions $ par année pour améliorer l'enseignement du français. Parmi les «pistes» envisagées, il y a la «modulation de la tâche des professeurs de français et l'embauche d'auxiliaires d'enseignement». Il y aurait aussi un «relèvement des exigences» en français pour obtenir un diplôme.

La CAQ veut aussi réhabiliter la clause dérogatoire. Il ne faut «pas l'exclure» pour répondre à la Cour suprême, qui a invalidé la loi québécoise qui interdit les écoles passerelles. Ce terme réfère au procédé par lequel un enfant «achète» le droit à l'école publique anglaise après un bref passage dans le privé. Ce droit devient alors aussi transférable à sa fratrie et sa descendance.

Le CAQ ne se prononce pas sur le projet de loi 94 sur les accommodements raisonnables ou sur la pertinence d'une Charte sur la laïcité. M. Legault explique qu'il voulait d'abord cibler quelques priorités.  

125 millions $ de plus pour les arts

Pour «redonner de la fierté» aux Québécois, «défendre leur identité» et stimuler un secteur économique rentable, M. Legault veut ajouter 125 millions $ par année aux arts.

Il allouerait 50 millions $ de plus pour les arts et culture dans le réseau préscolaire et scolaire. «Ce sont les artistes locaux et un peu moins qui en bénéficieront», estime-t-il.

Il y aurait aussi 75 millions $ de plus pour les exportations culturelles (25M$ pour la SODEC, 25M$ pour le CALQ, 15M$ pour Télé-Québec et 10M$ pour le ministère des Relations internationales).

Le Québec a-t-il les moyens d'investir encore plus? «La culture au Québec, ça représente environ 700 millions $ en dépenses et 300 millions $ en crédits d'impôts. On ajouterait 150 millions $. C'est une augmentation de 15%, ce qui n'est pas exagéré.» Il rappelle que les revenus du secteur culturel correspondent à 5% du PIB et  génèrent 170 000 emplois directs et indirects.

Financer en coupant?

La CAQ financerait ses propositions en «réallouant»10% du budget des crédits d'impôt. Cela permettrait de dégager 400 millions $ par année. La ministre de la Culture, Christine St-Pierre, reste sceptique. «Ce que je me demande, c'est : où va-t-il couper? Car il va devoir aller chercher ça en quelque part.»

Elle rappelle que depuis 2003, le gouvernement Charest a déjà augmenté de 35% les dépenses en culture. Dans le dernier budget, le gouvernement a aussi créé un le fonds Capital culture Québec (CCQ), doté de 100 millions de dollars, pour les grands projets internationaux. Une enveloppe de 10 millions $ a aussi été créée pour faciliter le virage numérique des entreprises et organismes culturels.