La seule chose qui pourrait consoler le PQ à la lecture du nouveau sondage CROP-La Presse, c'est que Jean Charest promet de ne pas déclencher d'élections cet automne.

François Legault, lui, aura la réaction inverse: s'il devait fonder un parti, il dominerait, qu'il le fusionne ou non avec l'ADQ (40% ou 38% des intentions de vote après répartition des indécis). «C'est plus qu'il n'en faut pour obtenir un gouvernement majoritaire», observe Youri Rivest, vice-président de CROP.

Quant au PQ, il serait au «seuil de la marginalisation». Dans un scrutin contre un parti dirigé par M. Legault, il terminerait troisième, avec 18% des votes et très peu de députés, en raison de notre mode de scrutin. «On pourrait probablement les compter sur nos doigts», lance M. Rivest.

Le PQ souffre encore de la crise du mois de juin, lorsque quatre de ses députés ont fait défection. La tempête semble passée, mais les dégâts restent. En quelques mois seulement, la situation s'est inversée: en mai, s'il y avait eu des élections sans François Legault, le PQ aurait obtenu 34% des votes et les libéraux, 23%. En juin, après la crise au PQ, c'était le contraire. Et après deux mois de vacances et de barbecues, l'écart demeure. Dans un scrutin sans François Legault, les libéraux gagneraient désormais (33%) devant les péquistes (27%).

«On ne parle plus d'une fluctuation des votes causée par un événement récent de l'actualité. Ça commence plutôt à ressembler à une tendance, à une érosion», croit M. Rivest.

Charest plus populaire que Marois

Qui ferait le meilleur premier ministre? Encore une fois, les rôles se sont inversés depuis le printemps. Au début de 2011, dans quatre sondages consécutifs, Pauline Marois est arrivé première, avec une moyenne de 20% d'appuis. M. Charest a terminé deuxième avec 15% (François Legault n'était pas sur les rangs).

Tout a changé en juin: M. Charest récoltait alors 22% d'appuis et Mme Marois, 15%. Le même résultat s'observe dans notre nouveau sondage.

«La chef du PQ est devenue moins populaire que son parti. Elle l'entraîne vers le bas. La première qualité d'un chef, c'est d'être rassembleur. Mais Mme Marois ne réussit même plus à rassembler ses propres troupes. La population hésite donc à lui faire confiance. On analyse tout ce qu'elle fait à travers cette lorgnette.»

Mais le chef du PLQ n'a pas de quoi pavoiser. Entre lui et personne, les Québécois choisissent la deuxième option. Près d'un sondé sur trois répond «aucun de ces choix» lorsqu'on lui demande qui ferait le meilleur premier ministre.

Legault dans la cour du NPD

Indécis ou désabusés constituent un terreau fertile pour François Legault. L'ex-ministre péquiste est très populaire auprès des électeurs du NPD. Pas moins de 59% d'entre eux opteraient pour M. Legault, et ce, même si son éventuel parti fusionnait avec l'ADQ, pourtant de centre droit. Près du tiers des électeurs de Québec solidaire voteraient aussi pour un tandem Legault-ADQ.

Bref, ce nouveau parti séduirait à la fois à gauche et à droite. «Ce n'est pas si surprenant, analyse Youri Rivest. Ce qui séduit avant tout, chez Legault, c'est l'idée de changement. Les gens veulent voter pour quelque chose de nouveau, pour autre chose qu'un vieux parti. Un peu comme ç'a été le cas avec le NPD.»

Mais certains saigneraient plus que d'autres. Les électeurs péquistes sont au moins deux fois plus nombreux que les libéraux à vouloir donner une chance à M. Legault (28% contre 12%).

«Cela fait penser aux dernières élections fédérales. Des gens peuvent vouloir voter NPD ou Legault même s'ils sont souverainistes. C'est parce qu'ils ne votent pas d'abord en fonction de cela. D'autres facteurs pèsent plus dans leur choix.»

Souveraineté: la bataille des indécis

Depuis quelques semaines, les souverainistes s'entredéchirent au sujet de la démarche référendaire, avec les démissions au caucus puis les débats entre le Nouveau Mouvement pour le Québec et le Parti québécois.

Les convaincus s'emploient plus à débattre entre eux qu'à convaincre les indécis, note M. Rivest. Or, l'appui à la souveraineté reste à son taux habituel, à près de 40%. Ce qui a changé, c'est le vote des indécis - ceux qu'il faut convaincre pour réaliser l'indépendance. Certains semblent avoir passé dans le camp du Non, analyse M. Rivest. Au printemps, ils étaient 57% à vouloir voter non à un prochain référendum. Depuis le mois de juin, ils sont 62%.

Mariage de raison?

Les adéquistes semblent avoir davantage besoin de la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ) de M. Legault que le contraire. Avec l'ADQ comme adversaire, M. Legault récolterait presque autant de votes que sans (38% et 40% respectivement), alors qu'une lutte contre M. Legault menacerait d'asphyxier l'ADQ. Elle n'obtiendrait que 5% des votes, moins que Québec solidaire.

Youri Rivest tient toutefois à remettre ces chiffres en contexte: «J'ai l'impression que cette fusion est presque déjà consommée dans l'esprit des électeurs adéquistes. Ils sont prêts à voter pour M. Legault afin d'avoir une chance d'élire le gouvernement.»