Québec songe à poursuivre Ottawa pour contester sa garantie de prêt «déloyale» de 4,2 milliards à Terre-Neuve pour la centrale hydro-électrique du Bas-Churchill.

«Pour l'instant, on n'écarte aucune option, que ce soit un recours juridique ou politique», annonce Pierre Moreau, ministère des Affaires intergouvernementales.

Ottawa a confirmé sa participation au projet ce matin en adoptant un protocole d'entente avec Terre-Neuve-et-Labrador.

L'entente finale doit être signée d'ici le 30 novembre. Comme il s'y était engagé en campagne électorale, le gouvernement Harper offrira une garantie de prêt de 4,2 milliards, sur un projet de 6,2 milliards. L'argent servira à construire des câbles sous-marins pour acheminer l'électricité de la centrale du Labrador à Terre-Neuve puis à la Nouvelle-Écosse. Elle pourra ensuite être vendue au reste du marché nord-américain.

Terre-Neuve-et-Labrador voulait utiliser les lignes de transmission du Québec pour transporter son électricité vers les États-Unis. Il n'y a pas eu d'entente. La province a réagi avec ce projet de câbles sous-marins pour contourner le Québec.

Or, Québec n'a jamais reçu - et ne demande pas non plus - de subvention fédérale pour transporter son électricité.

Cette subvention a déjà été dénoncée unanimement par l'Assemblée nationale. Elle est toutefois appuyée par l'opposition à Ottawa, à l'exception du Bloc. Le NPD appuie la garantie de prêt, mais demande une aide similaire à d'autres projets verts dans le reste du pays.

Seulement 40% de l'électricité produite par la centrale est destinée au marché terre-neuvien. Le reste doit être vendu à la Nouvelle-Écosse (20%) et au reste du marché nord-américain (40%), calcule M. Moreau.

«(Le gouvernement Harper) crée une compétition déloyale sur le marché international et il subventionne aussi les tarifs d'électricité à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, sur le marché domestique.

Le ministre estime que tout n'est pas encore joué. Les détails de l'entente financière seront dévoilés dans les prochaines semaines. Il pourrait s'agir d'une garantie de prêt ou d'un achat de garantie de prêt. Terre-Neuve-et-Labrador a déjà estimé qu'elle économisera ainsi 120 millions $ en versement d'intérêts.

M. Moreau attend de connaître ces détails avant de prendre une décision. Il dit pouvoir compter sur l'appui d'autres provinces. «Le gouvernement de l'Ontario a lui-même exprimé sa vive préoccupation que ses citoyens paient à même leurs taxes et leurs impôts les tarifs d'électricité de Terre-Neuve-et-Labrador et de la Nouvelle-Écosse», explique-t-il.

«Réédition de la nuit des longs couteaux»

Selon Sylvain Gaudreault, critique sortant du PQ en matière d'Énergie, cette garantie de prêt se compare à un des moments les plus marquants du dernier siècle de la politique canadienne.

C'est «ni plus, ni moins la réédition de la nuit des couteaux en plein jour», s'est-il indigné.

Il assure que sa métaphore n'est pas trop forte. «Les enjeux d'énergie, ce sont les enjeux de l'avenir», explique-t-il.

Il accuse le gouvernement Charest de «tolérer (...) que les Québécois se fassent avoir».

En juillet, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, avait consenti à un cadre énergétique canadien, lors d'une rencontre à Kananaskis, en Alberta. «Le gouvernement perdu tout son rapport de force», déplore M. Gaudreault.

Traitement équitable, assure Ottawa

Le bureau de Christian Paradis, lieutenant politique du Québec dans le gouvernement Harper, s'étonne de ces doléances. «Toutes les régions du pays sont traitées équitablement, comme nous l'avions promis», assure Pascale Boulay, attachée de presse du ministre Paradis.

Le gouvernement Harper a déjà annoncé qu'il financerait les projets d'infrastructures qui diminuent significativement les émissions gaz à effet de serre. Celui du Bas-Churchill les pourrait les réduire de 4,5 millions de tonnes par année. C'est l'équivalent de retirer 3,2 millions de voitures des routes.

Le gouvernement Harper dit que si Québec dépose un projet, il sera évalué de façon équitable.