Jacques Parizeau reproche à Pauline Marois sa démarche souverainiste «trop incertaine», des affronts à la liberté d'expression au PQ et des erreurs qui ont mené à un «gâchis».

Dans une lettre cinglante publiée ce matin dans Le Devoir, l'ancien premier ministre réplique aux 12 «jeunes» députés du Parti québécois qui lui demandaient de leur laisser la place et de leur faire confiance pour défendre la cause souverainiste.

«Après tout ce gâchis», au sujet du projet de loi 204 sur le projet d'amphithéâtre à Québec, «vous venez me demander, au fond, de me taire! Comment pouvez-vous croire un instant que je pourrais obtempérer? Je n'interviens pas souvent; en fait, de moins en moins souvent. Je n'abuse pas de mon droit de parole, mais j'y tiens. Il n'y a quant au droit de parole ni âgisme ni "jeunisme". Nous sommes tous des citoyens», écrit-il.

Il ne manque pas de souligner que le concept de «jeunes députés» est «assez élastique». «Certains d'entre vous ont dépassé la quarantaine ou sont sur le point de l'atteindre. À quarante ans, René Lévesque nationalisait les compagnies d'électricité et si, à cet âge, après avoir travaillé avec trois premiers ministres successifs, on m'avait défini comme le "jeune" président de l'exécutif national du Parti québécois, j'aurais mordu. Quarante ans, c'est la force de l'âge, disait-on alors.» Il leur reproche d'«abuser vraiment (...) des poncifs de la rectitude politique» dans leur lettre.

Surtout, Jacques Parizeau écorche Pauline Marois sans toutefois la nommer. «Au coeur» de la crise qui se secoue le PQ se trouvent les limites imposées à la liberté de parole, croit-il. Il rappelle les embûches rencontrées par son épouse, Lisette Lapointe, qui a claqué la porte du PQ la semaine dernière, pour amender l'article 1 du programme péquiste. «J'étais moi aussi persuadé que l'article 1 était beaucoup trop faible, l'objectif trop dilué, la démarche trop incertaine et, d'autre part, la liberté de parole, de discuter, de voter qui avait si longtemps été la réalité de mon parti me semblait bien malmenée», affirme-t-il.

M. Parizeau critique Pauline Marois pour avoir «ordonné à tous les députés du Parti québécois de voter en faveur» du projet de loi 204  alors que plusieurs d'entre eux éprouvaient de sérieux problèmes de conscience face aux dispositions de ce texte». Il souligne des erreurs commises par le PQ dans ce dossier. Rappelons que la députée Agnès Maltais a déposé le projet de loi qui vise à blinder l'entente conclu de gré à gré entre la Ville de Québec et Quebecor sur la gestion du futur amphithéâtre. Le projet de loi n'a pu être adopté au cours de la session qui a pris fin vendredi dernier en raison du veto et de l'obstruction systématique qu'entendait exercer le député de Québec solidaire Amir Khadir. «Derrière cette incroyable comédie politique s'est joué le drame de ceux qui refusaient d'être muselés et d'avoir à trahir leurs principes; ils réclamaient leur liberté de parole», souligne M. Parizeau. En plus de Mme Lapointe, trois autres députés péquistes ont démissionné la semaine dernière, mais pas seulement en raison du projet de loi 204.