Le premier ministre Jean Charest tait les rumeurs d'élections hâtives à l'automne. Il accuse Pauline Marois de les alimenter pour rallier ses troupes après la crise qui a secoué son parti. «Il n'est pas question d'élections (...) Il n'a jamais été question d'élections à l'automne», a-t-il lancé vendredi, en dressant le bilan de la session parlementaire.

«J'ai été le premier et peut-être le plus surpris d'apprendre que Mme Marois pensait qu'on préparait des élections à l'automne, a-t-il ajouté. C'est un vieux truc ça de chef du PQ que de dire: "Il va y avoir des élections, donc ralliez-vous, ce n'est pas le temps d'avoir des états d'âme, il va y avoir des élections."»

Les rumeurs circulent depuis les quatre démissions au Parti québécois en début de semaine. Jean Charest profiterait des déboires de la formation de Pauline Marois et prendrait de court François Legault, qui souhaite bientôt créer un nouveau parti politique.

Mais selon le premier ministre, le scénario d'élections en automne n'est pas crédible. «On est à deux ans et demi de notre mandat, et on irait en élections tout d'un coup? Ça en dit plus long sur la situation de Mme Marois que la mienne.»

Plus tôt dans la journée, Mme Marois se disait «prête» pour des élections en automne. Mais elle avouait toutefois craindre que les Québécois oublient les «ratés» du gouvernement Charest. «On devrait avoir plus de mémoire, se souvenir de plus que la dernière semaine qui vient de se passer», a-t-elle dit.

Selon un sondage publié plus tôt cette semaine dans La Presse, les péquistes ont perdu leur avance. Ils seraient désormais à égalité avec les libéraux. Malgré la contestation de son leadership, Mme Marois croit que si elle affrontait un nouveau vote de confiance, elle récolterait le même résultat qu'au congrès du PQ en avril dernier, soit 93%.

Selon le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, des élections cet automne ou même l'hiver prochain ne seraient «pas vraiment» légitimes. De son côté, Amir Khadir affirme carrément ne pas croire la promesse de M. Charest.

M. Deltell a encore une fois refusé de répondre aux questions sur une possible alliance entre l'ADQ et le mouvement de François Legault. Quant à Jean Charest, il «s'interroge sur les façons d'opérer» de l'ancien ministre péquiste et de sa Coalition pour l'avenir du Québec. «M. Legault dit: je veux être un parti politique. Mais il ne respecte pas les règles des partis politiques que nous devons, nous, respecter, sur le financement, la transparence. Il n'opère pas comme un parti politique. Qui finance les études, les projets, qui paie pour quoi, et comment? À un moment donné, il doit rendre des comptes (...) M. Legault, s'il veut aller en élections rapidement et former son parti, qu'il le fasse.»

Loi sur l'amphithéâtre en septembre

Jean Charest a confirmé que le projet de loi 204 sur la gestion du futur amphithéâtre à Québec sera adopté tel quel en septembre. Cette loi vise à protéger l'entente conclue de gré à gré entre la Ville de Québec et Quebecor de même que tous les contrats qui en découleraient. «Nous avons eu les discussions à l'intérieur de notre caucus comme nous avons l'habitude d'avoir nos discussions. Chez nous, les gens sont du même avis et appuient la loi.»

Le premier ministre a décidé de reporter l'adoption du projet de loi en raison du veto et de l'obstruction parlementaire qu'entendait exercer le député de Québec solidaire, Amir Khadir. Il s'est défendu d'avoir fait traîner le dossier pour «tirer des avantages partisans» et provoquer une crise au PQ. «Ça n'a jamais fait partie de notre plan», a-t-il dit, soulignant que «personne n'a vu venir» les quatre démissions.

De son côté, Amir Khadir a appelé les opposants au projet de loi à faire pression sur les députés pour les convaincre de ne pas blinder l'entente.

En conférence de presse, M. Charest s'est surtout félicité du bilan économique de son gouvernement, en particulier le bas taux de chômage. «L'économie du Québec va bien et même (le PQ) nous fait ce compliment par l'absence de commentaires dans son communiqué de presse», a-t-il dit.

M. Charest prend «avec un gros grain de sel» les sondages qui confirment encore l'insatisfaction envers son gouvernement. «Je suis à la mi-mandat de mon gouvernement. Je sais par expérience qu'il faut avoir devant soi l'ensemble du portrait fait par un gouvernement pour porter un jugement. Je suis très confiant là-dessus.»

Pas avec une «baguette magique»

Il y a quelques jours, les démissionnaires dénonçaient le «populisme» et la «partisanerie excessive» du PQ, qui alimenterait le cynisme des électeurs. Mme Marois rejette tout blâme à cet égard. Elle assure ne pas «s'opposer pour s'opposer». La chef du PQ avance néanmoins qu'à la rentrée parlementaire en septembre, elle discutera avec son caucus de la possibilité de tenir plus de votes libres. C'est ce que demandaient avec insistance plusieurs de ses députés pour le projet de loi 204.

Pendant ce temps, l'appui à la souveraineté reste stable, à environ 40%. Mme Marois avoue que beaucoup de travail devra être fait. Un travail qui «ne se fera pas avec une baguette magique», avoue-t-elle. «Les Québécois ne sont pas là en ce moment.»