Une dizaine de députés péquistes sont mal à l'aise de voir leur parti dans le camp des promoteurs de l'amphithéâtre de Québec et cinq d'entre eux ont été plusieurs fois en contact, la semaine dernière, pour établir leur stratégie.

«Je suis contre un projet de loi qui supprime le droit de recours des citoyens», a lancé Sylvain Pagé, député péquiste de Labelle, joint hier soir par La Presse. M. Pagé a été, a-t-on appris d'autres sources, avec Lisette Lapointe, de la circonscription de Crémazie, l'adversaire le plus véhément au projet de loi privé parrainé par Agnès Maltais.

Les péquistes ont eu deux caucus «musclés» sur ce dossier, mardi et mercredi derniers. L'entourage de Pauline Marois a été très surpris des déclarations de Louise Beaudoin, toutefois. On connaissait son opposition au projet de loi, mais on s'étonne qu'elle ait pu laisser entendre qu'elle songeait à démissionner. Au Devoir, samedi, Mme Beaudoin avait soutenu que le projet de loi 204, qui blinde l'entente entre Québec et Quebecor, était une matière «grave» et qu'elle «ne pourrait voter pour ça.. c'est clair».

Mme Lapointe, femme de l'ancien premier ministre Jacques Parizeau, est montée au créneau à chaque occasion. Quand Pascal Monette, stratège en communications de Pauline Marois, a envoyé un courriel à tous les députés pour leur indiquer quoi dire sur la question de l'amphithéâtre, Mme Lapointe a répliqué par un laconique «pathétique» qui, lui aussi, a été diffusé dans tout le caucus. Devant ce cri du coeur, le député Sylvain Pagé avait renchéri, aussi laconique, en lançant: «Idem!» Les deux députés se sont excusés de leur réplique aux répercussions inattendues devant le caucus mercredi. «J'ai dit que je m'excusais si j'avais froissé des gens», a dit M. Pagé.

Mme Beaudoin n'a pu être jointe hier, mais dans l'entourage de Mme Marois, on estime que son amitié avec Denis de Belleval et l'avocat André Joli-Coeur a nourri son opposition au projet de l'amphithéâtre. Pour des vétérans péquistes, il semble clair qu'elle ne voulait pas se représenter. Même lecture pour Mme Lapointe qui, après plusieurs accrochages avec Mme Marois au caucus, pourrait bien passer la main avant les élections.

Les députés de Nicolet, Jean-Martin Aussant, et de Borduas, Pierre Curzi, sont aussi opposés au projet. Dans la fébrilité des échanges, un des adversaires a même taxé de malhonnêtes les arguments des partisans de l'amphithéâtre.

Fait intéressant, alors que beaucoup pensent qu'il est opposé au projet de loi, Bernard Drainville, député de Marie-Victorin, n'a pas jugé bon de dire un seul mot à ce sujet pendant les réunions du caucus.

Dans les rangs des mécontents, on considère avec des pincettes l'idée que, depuis qu'elle a obtenu 93% d'appuis au vote de confiance, Mme Marois traite son caucus avec moins d'égards. Elle avait annoncé l'appui du PQ au geste de Québec d'injecter 200 millions dans l'aventure sans prévenir les députés, une sortie antérieure au congrès de la mi-avril, explique-t-on.

Mais bien des élus n'ont pas digéré d'apprendre «dans les médias que le PQ allait parrainer un projet de loi» en faveur de l'entente Québec-Quebecor. Ce n'est qu'après coup que Mme Marois en a discuté au caucus et que la fureur s'est exprimée.

Chez les stratèges péquistes, on serre les dents en comprenant que le gouvernement de Jean Charest sera trop heureux de faire durer ces heures de dissensions dans le camp adverse. Le débat sur le projet de loi privé de Mme Maltais se termine aujourd'hui, mais il est déjà connu qu'Amir Khadir, député de Mercier, s'opposera à ce qu'il soit proposé au vote demain. Le projet prendra donc le chemin d'un «papillon», un amendement apporté séance tenante en commission parlementaire à un projet de loi «omnibus» présenté par le responsable des Affaires municipales, Laurent Lessard. Toute la semaine se passera en spéculation sur la division de l'opposition avant la tenue du vote probablement vendredi, au dernier jour de la session parlementaire.