La réforme de la carte électorale du gouvernement a du plomb dans l'aile. La raison: l'avis rendu jeudi par le nouveau président de l'Assemblée nationale, Jacques Chagnon.

Un avis qui plaît au Parti québécois. «C'est la meilleure décision d'un président de l'Assemblée nationale que j'ai vue dans ma vie parlementaire», s'emballe son leader parlementaire, Stéphane Bédard.

Le président Chagnon a statué que le «consensus» de la chambre n'est pas nécessaire pour déposer un projet de loi sur la carte électorale. Mais il l'est pour l'adoption. M. Chagnon a établi le principe de la «convention parlementaire», par analogie avec la «convention constitutionnelle». Selon cette convention, pour changer la carte électorale, il y aurait «nécessité politique» d'obtenir «un consensus le plus large possible». Et la proposition du gouvernement Charest n'obtient pas l'appui d'un seul député de l'opposition.

Il s'agit d'un énième rebondissement dans un dossier qui piétine depuis plusieurs années. Rappelons que la carte viole la loi électorale à cause de l'écart trop important entre le nombre d'électeurs entre les circonscriptions. Dans une vingtaine de cas, l'écart dépasse la moyenne de plus de 25 000 personnes. Pour que la carte électorale respecte la loi, le Directeur général des élections (DGE), Marcel Blanchet, proposait une réforme l'année dernière. Il ajoutait trois nouveaux comtés dans le grand Montréal et en abolissait trois en région. Cela a déplu au gouvernement, qui a réagi en adoptant une loi -avec l'appui du PQ- pour suspendre les pouvoirs du DGE.

Selon cette loi spéciale, le gouvernement se donnait jusqu'à la fin juin pour adopter une nouvelle carte. En avril, le gouvernement s'entendait avec le PQ et la Coalition pour le maintien des comtés en région. Selon cette entente, le PQ acceptait qu'on augmente de 125 à 128 le nombre de circonscriptions. En échange, deux nouveaux critères étaient ajoutés à la loi: «l'occupation dynamique du territoire» et la «représentation effective» des régions. Cela permettait de s'éloigner encore plus du principe «un électeur, un vote», ce que souhaite le PQ pour maintenir le poids des régions.

Mais à la surprise du PQ, ces principes ne figurent pas dans le projet de loi déposé le 12 mai. Aucun député de l'opposition ne veut l'adopter. Il n'y aura donc pas de «large consensus», comme le recommande le président Chagnon. «Pour l'instant, ça ne change rien à notre démarche», indique Andrée-Lyne Hallé, porte-parole du ministre de la Réforme des institutions démocratiques, Pierre Moreau. Le gouvernement espère encore rallier l'opposition à son projet de loi. Si cela ne fonctionne pas, le DGE retrouvera ses pouvoirs pour changer la carte en fonction de la loi électorale actuelle.

Pendant ce temps, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain déplore qu'on s'éloigne du principe «un électeur, un vote».