Les révélations sur la présence d'entrepreneurs proches du crime organisé dans un chantier du centre-ville de Montréal incitent le Parti québécois à réclamer de nouveau une commission d'enquête sur l'industrie de la construction.

«Ce matin, on en apprend davantage sur la présence du crime organisé dans le monde de la construction, a déclaré, hier, Stéphane Bergeron, critique de l'opposition officielle en matière de sécurité publique, à l'Assemblée nationale. On peut lire dans La Presse qu'en 2006, un homme d'affaires, Nicolas Tétrault, aurait voulu acheter un terrain près du Quartier des spectacles, mais il aurait été victime de pressions indues qui l'auraient fait changer d'idée [...]

«Le ministre ne réalise-t-il pas que les enquêtes policières n'empêchent pas l'infiltration du crime organisé dans le milieu de la construction? À quand une commission d'enquête?»

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a souligné que l'étude du projet de loi sur l'Unité permanente anticorruption (UPAC) débutait justement en commission parlementaire.

«Ce n'est pas par des enquêtes publiques qui prennent l'énergie de nos meilleurs enquêteurs, c'est par les enquêtes policières qu'on parvient à nettoyer le jardin continuellement, et empêcher le crime organisé de repousser [...]

«L'Unité permanente anticorruption est inspirée de ce qui se fait à New York. L'unité de New York fait 700 à 800 arrestations par année sur environ 400 000 personnes qui travaillent (en ville, dans la construction)... Il y a du ménage qui doit se faire chaque année, on parle de 2 personnes sur 1000 par année qui sont arrêtées par cette unité-là.»

«Ce que le ministre ne dit pas, c'est que l'unité anticorruption à New York fait suite notamment à la mise en place d'une commission d'enquête, a répliqué M. Bergeron. Ce dont on parle aujourd'hui (à Montréal), ce ne sont pas des faits qui se sont produits il y a 5 ou 10 ans, ce sont des faits qui se produisent présentement.»

«Je suis heureux d'entendre qu'on est plus vite que New York et, donc, qu'on passe tout de suite à l'étape essentielle... en créant l'Unité permanente anticorruption sur ce modèle-là (sans la précéder d'une commission d'enquête)», a répondu le ministre.

De son côté, la ministre du Travail, Lise Thériault, émet des réserves quant à l'idée de donner à la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) un pouvoir équivalant à celui de la Régie des alcools, qui peut retirer les licences aux entreprises quand elle soupçonne qu'elles ont des relations avec le crime organisé. C'est le député péquiste Guy Leclair qui a proposé ce changement, tel que rapporté par La Presse, hier. «Ce sont deux tribunaux complètement différents, avec des pouvoirs complètement différents. On ne peut pas nécessairement comparer l'un avec l'autre», a dit la ministre Thériault à La Presse.

Elle se demande surtout «sur quelles preuves la Régie se baserait» pour retirer une licence. «On ne peut pas se baser sur des rumeurs, il faut se baser sur des faits. On est dans une société de droit.».

Hier, La Presse a indiqué que l'un des chantiers situés au coeur du Quartier des spectacles compte plusieurs entrepreneurs qui ont, ou qui ont eu, des relations avec des membres du crime organisé. Le projet, appelé «Dell'Arte condominiums», est situé rue Charlotte, à un coin de rue de l'intersection du boulevard Saint-Laurent et de la rue Sainte-Catherine. Le Quartier des spectacles connaît un essor sans précédent grâce à des investissements publics qui dépassent les 170 millions de dollars.