C'est dans la controverse que le gouvernement Charest a déposé jeudi un projet de loi pour réformer de façon «temporaire» la carte électorale. Le gouvernement cherche habituellement un consensus pour modifier la carte. Mais les libéraux ont déposé leur projet jeudi sans obtenir l'appui d'un seul député de l'opposition.

Le PQ parle de «violation des us et coutumes», l'ADQ «d'attaque à la démocratie» et Québec solidaire «d'outrage au Parlement».

Le nombre d'électeurs varie tant entre les circonscriptions que cela viole la loi électorale. L'année dernière, Marcel Blanchet, ex-Directeur général des élections du Québec (DGEQ), a présenté sa réforme de la carte. Elle supprimait trois circonscriptions: Matane, Beauce-Nord et Kamouraska-Témiscouata. Il se basait sur la loi électorale. Mais cela a déplu au gouvernement Charest, qui l'a attaqué et a suspendu son projet de réforme. M. Blanchet a finalement quitté son poste.

Le nouveau projet du gouvernement vise à sauver ces  circonscriptions ainsi qu'une douzaine d'autres en région qui sont si peu peuplées qu'elles violeraient la loi. On propose d'en créer trois nouvelles près de Montréal (Montérégie, Laval et Laurentides-Lanaudières). Cela diminuerait l'écart de population entre les circonscriptions. Le nombre de députés passerait ainsi de 125 à 128.

La délimitation de cette nouvelle carte doit être complétée d'ici le 15 décembre. «L'idéal serait d'arriver à un homme, un vote. Mais la réalité du terrain fait en sorte que c'est extrêmement difficile», plaide le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques, Pierre Moreau. Il explique qu'on doit maintenir une représentation sur l'ensemble du vaste territoire de la province.

Cette carte «temporaire» serait en vigueur aux prochaines élections. M. Moreau plaide «l'urgence». Il propose d'organiser une commission parlementaire pour trouver une solution définitive.

Les péquistes voudraient s'éloigner encore plus du principe d'un citoyen, un vote. Leur leader parlementaire, Stéphane Bédard, souhaite introduire un nouveau critère dans la loi, «l'occupation dynamique du territoire», pour institutionnaliser cette asymétrie.

Ce critère, tout comme celui de la «représentation effective» des régions, figurait dans un projet d'entente rédigé en avril dernier par M. Moreau, M. Bédard et la Coalition pour le maintien des comtés en région. En échange, le PQ acceptait que le nombre de circonscriptions passe de 125 à 128, une demande des libéraux.

Le gouvernement n'a finalement pas inclus ces deux critères dans son projet de loi. «On s'est fait avoir», lance M. Bédard. La Coalition est également insatisfaite. «Sans le large consensus à l'Assemblée nationale, nous nous retrouvons au point de départ», regrette-elle.

Quant à l'ADQ, elle dénonce l'attitude «bassement partisane» du ministre. Sa leader parlementaire, Sylvie Roy, soutient que c'est le DGE, une institution indépendante, qui devrait déterminer la carte. Elle défend ce principe même s'il pourrait faire disparaître sa circonscription de Lotbinière et lui faire perdre son boulot. L'ADQ propose aussi d'instaurer un mode de scrutin mixte pour représenter les régions.

De son côté, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) dénonce  «l'institutionnalisation de la sous-représentation» de la région métropolitaine. Elle rappelle que la moitié des Québécois y habitent. Il s'agit d'un «véritable déni de justice électorale», fulmine son PDG, Michel Leblanc.

«Un vote à Montréal, à Longueuil, à Laval ou à Sainte-Thérèse doit absolument avoir le même poids démocratique qu'un vote en région», soutient-il.

La CCMM rappelle aussi que l'Ontario compte 107 députés, même si sa population est 50% plus nombreuse que celle du Québec.