Les tenants d'une démarche plus claire vers la souveraineté au lendemain d'une victoire péquiste ont remporté une demi-victoire samedi. En dépit de l'opposition de la majorité des députés, les délégués péquistes ont décidé en matinée qu'un gouvernement péquiste pourrait utiliser les fonds publics pour faire des études sur la souveraineté et en assurer la diffusion.    

En après-midi toutefois, l'entourage de Pauline Marois s'était mieux préparé. Une proposition de Crémazie pour la mise en place d'une «commission de préparation à la réalisation de la souveraineté» a été promptement écartée. Le député de Chambly, Bertrand Saint-Arnaud, a exprimé son opposition. «On peux-tu cesser de faire de la stratégie ouverte? Ce sera une bataille historique, une bataille rude et on a pas besoin de définir nos stratégies sous les yeux des journalistes et de nos adversaires. Pour une fois, faisons-nous confiance!»

Pour Frédéric Lapointe, de Crémazie, la proposition était «trop associée au vote de confiance», et vue comme un geste de contestation de Mme Marois. On précisa que la chef du PQ allait diriger cette commission en vain. «Mme Marois nous a dit que l'attentisme est terminé, c'est ce que vise cette proposition qui concorde avec la volonté du Parti québécois» de lancer un militant favorable Gilles Belzile.

Les partisans d'une démarche plus volontaire vers la souveraineté auront dimanche un autre camouflet: la plupart appuient clairement Daniel Turp à la présidence du PQ, mais la victoire de l'ancien député de Mercier semblait bien peu probable samedi. Raymond Archambault, ex-journaliste et nouveau visage au PQ avait l'appui tacite de l'entourage de Mme Marois.

Samedi, après sa victoire sur l'utilisation des fonds publics, la députée de Crémazie, Lisette Lapointe, était heureuse du verdict clair de l'atelier. La consigne de l'entourage de Mme Marois était claire: la motion devait être mise de côté. Or, par un amendement surprise, l'ex-député bloquiste Paul Crète a changé la dynamique, et en a accéléré l'adoption.

La proposition devra revenir demain en plénière, mais une nette majorité, 141 contre 78 voix, a adopté ce principe. Il avait pourtant été battu dans toutes les assemblées régionales, avait rappelé un de ses adversaires, Stéphane Bédard, député de Chicoutimi.

«Les militants ont réfléchi», a souligné Mme Lapointe relevant que son idée avait été battue de très peu dans le congrès de région. «On a le droit de débattre au PQ et on a droit à la dissidence. On ne force pas la main à Mme Marois. On dit ce qu'on a écrit dans notre programme», explique-t-elle. «Priorisée», cette résolution sera discutée en plénière dimanche.

Les députés Bernard Drainville (Marie-Victorin) et Sylvain Pagé (Labelle) ont endossé la proposition de Crémazie. Louise Beaudoin s'est abstenue. L'ensemble des autres députés présents, Sylvain Simard, François Gendron et Pascal Bérubé, ont, tenté, en vain, de la battre. Daniel Turp, l'ancien député de Mercier et candidat à la présidence du PQ a aussi appuyé la proposition.

Pour Mme Lapointe, la possibilité de mener des études à même les fonds publics permettra de refaire l'exercice pédagogique de 1995. Avant le précédent référendum, son époux Jacques Parizeau avait en effet lancé une série de commissions régionales pour discuter du projet souverainiste. «Jacques Parizeau avait été clair qu'il utiliserait les fonds publics pour le référendum. Par la suite, Lucien Bouchard et Bernard Landry avaient refusé d'utiliser l'argent pour la souveraineté», détaille la députée de Crémazie.

En revanche, l'atelier a mis de côté une proposition de Montréal-Centre, qui stipulait qu'un gouvernement péquiste utiliserait «tous les moyens à la disposition pour promouvoir et préparer l'accession du Québec à la souveraineté». Pour le député Simard, le PQ doit se garder d'y aller de «stratégies ouvertes qui prêtent flancs à toutes les critiques de nos adversaires». Robin Philpot, et surtout Daniel Turp, ont pris fait et cause pour cette idée. Élu, le PQ aurait «le droit d'utiliser les fonds publics pour promouvoir et préparer la souveraineté». En consolation, les partisans de cette proposition ont obtenu un amendement qui ajoutait au mandat de «préparer» celui de «promouvoir» la souveraineté une fois élu.

La direction du parti a aussi réussi à repousser l'idée d'inscrire la tenue de «référendums sectoriels» dans les démarches du gouvernement péquiste pour récupérer des pouvoirs d'Ottawa. Cette fois, des militants plus proches de l'aile orthodoxe, notamment le président de Crémazie, Hadrien Parizeau, s'est opposé à cette «stratégie ouverte». D'autres articles du programme péquiste sont suffisamment larges pour permettre le recours à de telles consultations si nécessaire, a-t-on expliqué. Plusieurs délégués, dont Atim Leon de Montréal-Centre, étaient d'avis contraire. «Les référendums sectoriels sont un outil démocratique utile», a-t-il fait valoir.

La direction du PQ s'est fait aussi rappeler à l'ordre avec sa proposition de réduire à 500$ le maximum pour les contributions financières à un parti politique. Bernard Drainville était le leader d'une série de circonscriptions qui sont parvenues à rabattre à 100$ la contribution maximale. «Avec ça, on casse le système des solliciteurs de fonds, ils n'iront pas chercher 100$ auprès de 1000 personnes. On casse aussi le système des prête-noms» prédit-il. Avec cette diminution de la contribution, la proposition prévoit aussi une augmentation du financement public. «On va faire moins de financement et plus de politique. On va finir la job de René Lévesque» de lancer M.Drainville.

Cette idée avait toutefois de nombreux adversaires. L'ancien député péquiste Claude Boucher a mis en garde les élus qui devront désormais trouver du financement. «Certains ont de la misère à avoir 200 membres dans leur comté», a-t-il lancé.

Les militants ont aussi adopté des propositions pour couper le financement au lieutenant-gouverneur, une institution fédérale. Pour l'ancien député Michel Leduc, la manoeuvre est insensée tant que le Québec n'est pas indépendant. «Dire qu'on va abolir ce poste. Qui va sanctionner les lois? On va avoir l'air de quoi comme peuple!» a-t-il soutenu. On propose aussi en cas de victoire péquiste une «assemblée constituante où participeront notamment les autochtones qui aura le mandat d'écrire la constitution d'un Québec indépendant.

L'atelier a aussi approuvé la mise en place d'une «Charte québécoise de la laicité». Dans le secteur privé et public, les gens devront «s'abstenir dans leurs fonctions officielles du port de tout signe religieux ostensible»

Duceppe a «pleinement confiance» en Marois

En pleine campagne électorale, Gilles Duceppe n'oublie pas le congrès du PQ. Le chef du Bloc a renouvelé son soutien à Pauline Marois, soumise aujourd'hui au vote de confiance des militants.

«J'ai pleinement confiance en Pauline Marois», a-t-il dit. Selon Gilles Duceppe, l'impopularité du gouvernement de Jean Charest donne de bonnes chances aux souverainistes d'emporter la prochaine élection, et à Pauline Marois, de devenir la «première première ministre». «Je suis convaincu qu'on s'en va vers une victoire du PQ.»

Gilles Duceppe sera demain au congrès du PQ, où il prononcera un discours. Les résultats du vote de confiance seront connus plus tard aujourd'hui.



- Avec Anabelle Nicoud