Quelques centaines de personnes ont marché dans les rues de Montréal hier pour demander l'abolition du délai de prescription en matière d'agressions sexuelles, qui empêche les victimes de poursuivre leur agresseur au civil plus de trois ans après les faits.

«La majorité des victimes d'agressions sont des enfants et des adolescents et souvent, ça prend des années avant qu'ils soient crus par leur entourage ou qu'ils aient la force de dénoncer leur agresseur», a expliqué Alain Jobidon, directeur général du Centre de ressources et d'interventions pour hommes abusés sexuellement dans leur enfance, l'organisme qui a organisé la manifestation. «C'est un non-sens qu'il soit pratiquement impossible après trois ans de poursuivre pour être indemnisé un pédophile qui a agressé un enfant. Là-dessus, le Québec est la société distincte de l'injustice.»

Dans le droit criminel, les agressions sexuelles sont des crimes imprescriptibles. La Couronne peut porter des accusations même si les actes remontent à plusieurs décennies. Mais en droit civil, une victime a trois ans pour intenter une poursuite en dommages contre son agresseur. Ailleurs au Canada, le délai de prescription a été aboli.

Bon nombre de victimes attendent effectivement des années avant de dénoncer leur agresseur. En 2009, 4212 agressions sexuelles ont été rapportées aux autorités policières. Selon les dernières statistiques du ministère de la Sécurité publique du Québec, 14% de ces infractions ont été commises il y a plus de 5 ans. Une fois sur 10, les faits remontent à plus de 10 ans.

L'automne dernier, le gouvernement s'est dit «ouvert» à revoir le délai de prescription.

En plus des revendications, la manifestation visait à briser le «mur du silence» derrière lequel les victimes se réfugient.

«Je pense qu'il y a autant d'histoires que de raisons qui ont poussé les gens à venir ici aujourd'hui», a expliqué Sébastien Richard, qui a lui-même été agressé durant son enfance. «Je suis ici pour dire que la pire des choses, c'est le silence. C'est important de prendre conscience de ce qui nous est arrivé, de comprendre que l'on est des survivants pour pouvoir retrouver l'équilibre et vivre. C'est à partir de ce moment que l'on cesse d'être une victime.»