Le Bloc québécois presse le gouvernement Harper de décréter un gel provisoire des avoirs de la famille de l'ex-président de la Tunisie, Zine el-Abidine Ben Ali, avant qu'elle ne les mette à l'abri dans un paradis fiscal.

Le Bloc a invité le gouvernement Harper à suivre l'exemple de la Suisse, qui a gelé provisoirement les biens du président déchu de l'Égypte, Hosni Moubarak, dans les heures qui ont suivi sa démission.

À la fin du mois de janvier, la Tunisie a demandé au Canada de geler les biens qu'y détiennent l'ex-président Ben Ali et sa famille, accusés notamment de virements illégaux de fonds à l'étranger. La famille Ben Ali possède une maison à Westmount évaluée à plus de 2 millions de dollars.

L'ambassadeur de la Tunisie à Ottawa, Mouldi Sakri, soutient que le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, n'a toujours pas répondu à la demande de la Tunisie. Dans une entrevue accordée à La Presse Canadienne, il a soutenu que le gouvernement Harper met l'image du Canada en jeu à l'étranger en traînant les pieds dans ce dossier.

Le beau-frère du président déchu, Belhassen Trabelsi, s'est réfugié au Canada à la suite du soulèvement populaire en Tunisie. Il a le statut de résident permanent, mais le ministère de l'Immigration a entrepris les démarches pour lui retirer ce statut.

Le Canada a invoqué les lois canadiennes sur la protection des renseignements personnels pour justifier son mutisme dans ce dossier. M. Sakri soutient pour sa part qu'il est tenu dans la plus grande ignorance de ce qui a été fait jusqu'ici par le gouvernement canadien.

Selon lui, des mesures urgentes doivent être prises pour saisir ces biens jusqu'à ce que justice soit rendue, avant qu'ils soient dilapidés. Le ministère de la Justice de la Tunisie a formulé deux autres demandes au gouvernement canadien, a-t-il expliqué.

Interpellé par le Bloc québécois aux Communes, mardi, le ministre Lawrence Cannon a pourtant affirmé que le gouvernement Harper travaille «en étroite collaboration avec le gouvernement tunisien à développer des options pour geler les avoirs de ceux et celles qui ne sont pas les bienvenus au Canada».

Interrogé de nouveau hier, le ministre Cannon a vu le ministre de la Justice, Rob Nicholson, répondre à sa place. «Notre gouvernement est prêt à venir en aide au gouvernement de la Tunisie de quelque manière que ce soit tout en respectant nos lois. Nous allons continuer à travailler avec les représentants de la Tunisie dans ce dossier. Évidemment, nous avons tous intérêt à nous assurer que justice soit rendue pour le peuple de la Tunisie», a dit M. Nicholson.

Le chef du Bloc québécois, Gilles Duceppe, qui a rencontré hier l'ambassadeur de la Tunisie à son bureau de la colline parlementaire, estime que le gouvernement Harper ne peut plus se défiler devant ses responsabilités. Il peut décréter rapidement un gel provisoire.

«L'ambassadeur s'attendait à avoir des réponses plus rapides à ses demandes et au moins un gel provisoire des avoirs en attendant une décision finale. (...) (Les membres de la famille Ben Ali) sont des experts en matière d'évasion fiscale. On leur laisse tout le temps pour que l'argent vogue vers les paradis fiscaux et, par la suite, on nous dira qu'il n'y a plus d'argent», a dit M. Duceppe.