Le ministre de la Justice consultera encore le premier ministre pour la nomination des juges. Mais il lui présentera son choix de candidat, et non la liste courte de candidats parmi lesquels il doit choisir.

C'est ce qu'a annoncé hier le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier. Il présentait huit «modifications intérimaires» au processus de nomination des juges. Il s'agit de la première réponse aux 46 recommandations du rapport Bastarache. La version définitive de ces modifications ainsi que des changements à la loi devraient suivre pour répondre aux recommandations plus substantielles du rapport Bastarache.

Selon la procédure habituelle, un comité de sélection dresse une liste courte de candidats pour un poste de juge. Cette liste est soumise au ministre de la Justice, qui recommande ensuite un candidat au Conseil des ministres.

À la commission Bastarache, on a appris que Jean Charest consultait cette liste courte avant que le ministre de la Justice ne fasse sa recommandation. L'allégeance des candidats était même parfois notée à l'aide d'un Post-it. M. Charest estimait «normal» qu'à titre de chef du Conseil exécutif, il puisse influencer le choix du ministre.

Il s'agit néanmoins d'un précédent. Les anciens premiers ministres (MM. Bourassa, Johnson, Parizeau, Bouchard et Landry) ne s'impliquaient pas ainsi dans le processus. Dans le pire des cas, ils apprenaient la recommandation du ministre quelques heures avant le Conseil des ministres.

À la suite de la modification annoncée hier, le ministre de la Justice ne devra plus discuter avec le bureau du premier ministre de la liste courte. Mais il lui présentera quand même sa recommandation. Le premier ministre pourra décider de la soumettre ou non au Conseil des ministres.

M. Fournier assure qu'il utilisait déjà cette méthode l'automne dernier, avant le dépôt du rapport Bastarache. Il a consulté la juge en chef de la Cour du Québec, Élizabeth Corte, et le Barreau du Québec. Le Barreau s'est dit «satisfait» de ces modifications.

Mais cela ne satisfait pas le PQ. Son leader parlementaire, Stéphane Bédard, aurait préféré que le premier ministre prenne connaissance du candidat recommandé seulement à la réunion du Conseil des ministres. Selon M. Bédard, on accorde au premier ministre un «droit de veto» sur la recommandation du ministre de la Justice. Un droit de veto qu'utilisait Jean Charest, mais pas ses prédécesseurs. « (M. Charest) vient de se donner un droit qui n'existait pas avant», critique M. Bédard.

Consultations privées

Parmi les autres modifications annoncées hier: les députés ne pourront plus promouvoir une candidature. Mais le ministre de la Justice pourra quand même consulter les financiers et les autres sympathisants de son parti politique. M. Fournier indique qu'il ne pourra pas consulter d'individus «en raison de leur appartenance à un parti politique». Mais s'il consulte un sympathisant libéral à cause de son expertise, et non de son allégeance, alors ce serait acceptable.

Le ministre ne s'oblige pas non plus à révéler qui il consulte. Il ne ferme toutefois pas complètement la porte à une telle transparence. «Je ne suis pas marié de façon irrévocable avec mes idées, je peux évoluer», dit-il.

Pour l'instant, le comité de sélection reste encore formé de trois membres: un représentant du Barreau, un de la magistrature et enfin un du public. Contrairement à ce que suggérait le commissaire Bastarache, le membre du public ne sera pas choisi par l'Assemblée nationale. Cela n'aurait que politisé davantage le processus de sélection, justifie M. Fournier. Il a plutôt demandé à l'Office des professions du Québec de le sélectionner.

L'ouverture d'un poste de juge sera aussi annoncée sur le site du ministère de la Justice. Les membres du comité recevront quant à eux une formation avant de faire leurs choix. Ils devront ensuite les justifier par écrit.