Jean Charest attendait Pauline Marois de pied ferme, hier, à l'Assemblée nationale, où les députés ont repris les travaux sur un air de déjà-vu.

Le premier ministre avait préparé le terrain au cours des derniers jours: nouveau chef de cabinet, léger remaniement ministériel et nomination de l'ex-ministre péquiste Diane Lemieux à la tête de la Commission de la construction.

Le premier grand coup de l'opération Marteau, la semaine dernière, lui a donné des munitions, tout comme l'arrestation, vendredi, de Jean Paquette, l'ex-attaché politique du député péquiste de Groulx, René Gauvreau.

M. Paquette est accusé de vol. Il se serait notamment approprié des sommes du fonds de roulement du bureau de circonscription de M. Gauvreau. Le président de l'association péquiste de Deux-Montagnes, Daniel Legault, a démissionné, reprochant à la direction du PQ de ne pas être intervenue plus tôt. Il dit l'avoir informée à plusieurs reprises du comportement de M. Paquette.

«Nous avons agi, mais on ne peut pas mettre quelqu'un au pilori et l'accuser sans avoir un certain nombre de preuves», a plaidé Pauline Marois lundi.

Jean Charest a retourné l'argument contre elle dès sa première question au Salon bleu, hier. Mme Marois a encore une fois réclamé une enquête publique sur l'industrie de la construction. M. Charest, a-t-elle dit, «a multiplié les manoeuvres de diversion, mais sur le fond des choses rien ne change parce que le premier ministre choisit constamment les intérêts du Parti libéral avant l'intérêt public».

Jean Charest a répliqué: «Je m'étonne de la question de la chef de l'opposition officielle, qui prête des intentions au gouvernement, qui continue de dire que nous avons, selon elle, des intérêts autres que les intérêts supérieurs du Québec. Cela m'étonne d'autant plus je l'entendais dire (lundi) qu'il ne fallait pas porter d'accusation sans avoir de preuve, ce qui semble relever du bon sens. Je me demande aujourd'hui pourquoi c'est deux poids, deux mesures, pourquoi elle retourne aux mêmes tactiques.»

Des attaques attendues

Les péquistes s'attendaient à ce que les libéraux utilisent la déclaration de leur chef. Deux heures avant la période des questions, le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard, avait invité les libéraux à faire preuve de prudence dans leurs propos sur l'affaire Paquette parce que le député Gauvreau souffre d'un problème de santé mentale. Dans une sortie étonnante, il a étalé la vie privée de son collègue: au cours des deux dernières années, M. Gauvreau a divorcé, perdu sa mère, vécu une profonde dépression et tenté de se suicider. M. Bédard a reproché à Nathalie Normandeau un «manque de jugement» lorsqu'elle a fait un lien entre l'affaire Paquette et les allégations de corruption et de collusion dans l'industrie de la construction. Il a souligné que le député, une «victime» dans cette affaire, avait congédié son attaché politique deux mois avant que les accusations ne soient portées.

Arguments économiques

Après avoir réclamé une fois de plus un moratoire sur la prospection et l'exploitation du gaz de schiste, le PQ a voulu affronter le gouvernement sur le terrain de l'économie. Or, Jean Charest s'en est donné à coeur joie lorsque le péquiste Nicolas Marceau a reproché au gouvernement de «tourner les coins ronds» en affirmant que 100 000 emplois ont été créés l'an dernier. «Les chiffres sont que ce gouvernement n'a créé que 92 000 emplois», a fait valoir le député. «Nous sommes coupables de n'avoir créé que plus de 90 000 emplois, chers collègues. Eh bien, si c'est ça, je plaide coupable. Et pire que ça, monsieur le président, on va continuer», a répondu le premier ministre sous un tonnerre d'applaudissements.