La nomination de Lucien Bouchard à la tête de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) laisse un goût amer dans la bouche d'au moins un péquiste. «La question que je me pose, c'est: quelle est l'image que le miroir renvoie à M. Bouchard quand il se regarde?» a lancé Pierre Curzi, mercredi, à l'ouverture du caucus du PQ dans un hôtel de Laval.

Il faisait ainsi allusion à une déclaration controversée qu'avait faite l'ex-premier ministre devant ses troupes réunies en congrès, en 1996: «Je veux pouvoir me lever le matin, me voir dans le miroir en sachant que je n'ai pas suspendu l'application des droits fondamentaux», avait en effet déclaré M. Bouchard pour justifier son opposition au retour à l'affichage unilingue français.

Les péquistes semblent pris de court par la nomination de Lucien Bouchard à l'APGQ et par celle de Diane Lemieux à la tête de la Commission de la construction du Québec.

Pauline Marois et ses députés ont essayé de s'en attribuer le mérite. «Je me dis qu'ils font peut-être le même jugement que la population: ça prend des péquistes pour redresser la barre», a dit la chef du PQ. «Ils ont besoin des péquistes pour se sortir du trouble. Ils recrutent là où les bons éléments se trouvent», a ajouté Bernard Drainville.

Même si les péquistes vantent les «grandes qualités» de Mme Lemieux et de M. Bouchard, ils s'empressent de préciser que cela ne réglera pas grand-chose. Selon eux, la solution reste entre les mains du gouvernement Charest, qui refuse pour l'instant de décréter un moratoire sur le gaz de schiste ou de mettre sur pied une commission d'enquête publique sur l'industrie de la construction.

Sans une telle enquête, Mme Lemieux ne pourra connaître ni l'ampleur ni les principaux acteurs de la corruption sur les chantiers, selon Mme Marois.

Vers un moratoire?

Quant au gaz de schiste, c'est au gouvernement d'encadrer l'industrie, ce qu'il fait mal, estime la chef du PQ. «C'est un véritable cafouillis, c'est lamentable, et nous demandons toujours un moratoire.»

Mme Marois n'a pas voulu dire si l'embauche de M. Bouchard porte à croire que l'industrie se prépare à négocier un éventuel moratoire, comme l'a avancé mercredi son porte-parole en matière d'énergie, Sylvain Gaudreault.

M. Bouchard pourrait aussi devoir intervenir dans le dossier d'Old Harry, un gisement à cheval sur la frontière maritime du Québec et de Terre-Neuve, dans le golfe du Saint-Laurent.

Cela fait plus de 25 ans que Terre-Neuve a signé avec le fédéral une entente qui lui permet d'explorer - et peut-être bientôt d'exploiter - ce gisement. À Québec, on négocie avec le fédéral depuis plus de 10 ans. La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, assure que les négociations débloquent depuis quelques mois. Bernard Drainville souhaite que l'arrivée de Lucien Bouchard aide à régler le dossier. «Est-ce qu'il est prêt à mener la bataille avec nous, du PQ, pour qu'on obtienne d'Ottawa les mêmes droits que Terre-Neuve?» a-t-il demandé.