Assurés d'empocher une généreuse pension, les élus québécois ne s'intéressent pas au sort peu enviable qui attend des millions de futurs retraités, fulmine l'ancien ministre libéral Claude Castonguay.

Le père de l'assurance maladie n'a pas du tout apprécié l'accueil glacial réservé par le gouvernement à son rapport sur les pensions, présenté il y a une semaine par le Centre de recherche en analyse des organisations (CIRANO).

«Dans les heures suivant la publication de mon rapport, les ministres (Jean-Marc) Fournier, (Julie) Boulet et (Nathalie) Normandeau ont réagi, sans réfléchir, et en faisant fi de la longue tradition du Parti libéral du Québec en matière de politique sociale», dénonce M. Castonguay dans une lettre publique transmise mardi à La Presse Canadienne.

Dans son rapport d'une quarantaine de pages rendu public le 11 janvier, M. Castonguay recommande la création d'un régime d'épargne obligatoire pour les travailleurs privés d'un programme de retraite avec leur employeur.

Pour éviter une chute de leur niveau de vie une fois à la retraite, le rapport suggère que ces travailleurs, à partir de l'âge de 35 ans, soient tenus de cotiser cinq pour cent de leur revenu de travail dans un RÉER.

La recommandation, assimilée à une nouvelle taxe par certains, a aussitôt été rejetée non seulement par le gouvernement libéral mais aussi par l'opposition officielle et l'Action démocratique.

Un porte-parole de la ministre responsable, Julie Boulet, s'est chargé de sceller le sort du rapport la semaine dernière en laissant savoir que le gouvernement n'avait pas l'intention de forcer les citoyens à mettre de l'argent de côté.

Pendant que le gouvernement reste les bras croisés, «plus de deux millions et demi» de travailleurs se dirigent vers une importante baisse de leur niveau de vie à la retraite, déplore M. Castonguay dans sa lettre aux journaux.

«Pitoyable»

«Face à une telle perspective, comment réagissent le gouvernement et les partis d'opposition? Le gouvernement propose le maintien du statu quo, c'est-à-dire absolument rien. De leur côté, les partis d'opposition répondent par des voeux pieux. De la part de ministres et de députés qui vont bénéficier de généreuses pensions, c'est pitoyable», écrit l'ex-ministre.

«Mes détracteurs sont-ils conscients que si rien n'est fait, ce sont ceux qui auront fait preuve de prévoyance et les travailleurs de demain, en nombre réduit, qui paieront pour les imprévoyants», poursuit celui qui a présidé le groupe de travail sur le financement du système de santé du Québec en 2007 et 2008.

Joint par La Presse Canadienne, l'octogénaire en a remis contre le gouvernement Charest à qui il reproche de s'être braqué sans rien proposer de valable en retour.

«J'ai trouvé que c'était des gens qui n'ont pas grand-chose à dire. Au lieu d'essayer de répondre avec un peu de substance, ils ont essayé de clore le débat et de fermer la porte. Mais comme ils n'ont rien de valable à proposer, je crois que le débat va se poursuivre. Ce n'est pas en niant l'existence du problème qu'on va le faire disparaître», a-t-il dit.

Du reste, selon M. Castonguay, la ministre de l'Emploi Julie Boulet se berce d'illusions si elle croit que la mise sur pied d'un régime multiemployeurs va régler le problème des centaines de milliers de salariés et de travailleurs autonomes mal préparés pour la retraite.

Échaudé par la critique, paralysé par la peur de déplaire, le gouvernement du Québec n'ose plus offrir quoi que ce soit de neuf sur le plan social, se désole l'ancien ministre de la Santé, artisan de la Révolution tranquille.

«Ils ont été tellement brassés qu'on dirait qu'ils ne sont plus capables de réagir autrement qu'en prônant le statu quo. Ils ont peur de toute réaction venant de la population», a-t-il analysé.