L'ex-ministre de la Justice Paul Bégin veut que l'Assemblée nationale change son règlement pour éviter que l'Affaire Michaud ne se répète.

M. Bégin a présenté ses recommandations ce matin en conférence de presse. Il souhaite qu'une motion de blâme ne puisse être présentée sans un préavis de 48 heures. Les parlementaires devraient en outre recevoir une version écrite des propos reprochés à un individu. Et surtout, la personne accusée devrait pouvoir se faire entendre avant que les parlementaires ne se prononcent.

Rappelons qu'en décembre 2000, l'Assemblée nationale avait dénoncé «sans nuance, de façon claire et unanime» les «propos inacceptables» que le péquiste Yves Michaud aurait tenus sur les communautés ethniques et plus particulièrement sur la communauté juive lors des États généraux sur le français à Montréal.

Or, M. Michaud assure qu'il n'a jamais prononcé de telles paroles. Lors de son allocution, il avait même indiqué que le peuple juif offrait «un modèle à suivre» pour les Québécois.

Les parlementaires n'avaient pas de retranscription des propos au moment du vote, et M. Michaud dit qu'il n'avait pas pu se défendre. La résolution n'avait «aucun rapport avec ce que M. Michaud a dit. (...) Ceux qui ont voté avaient autre chose à l'esprit», explique M. Bégin.

Depuis, 51 des 125 députés se sont excusés auprès de M. Michaud. Tous appartiennent au PQ. Parmi eux: Joseph Facal, Louise Beaudoin, Bernard Landry et M. Bégin lui-même. Aucun député libéral ne s'est excusé à date.

En décembre dernier, Amir Khadir avait présenté une motion pour que l'Assemblée nationale débatte de l' «erreur» de l'Affaire Michaud. Le PQ avait refusé d'en débattre. Le PLQ acceptait, mais condamnait encore M. Michaud.

Pauline Marois avait reconnu que M. Michaud avait été traité «inéquitablement», sans toutefois s'excuser formellement. Elle disait souhaiter que M. Michaud «dorme tranquille» et passe à autre chose.

Le premier ministre Charest avait quant à lui indiqué qu'il était «d'accord» avec le blâme. Son ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, ajoutait que ce qui était «l'indéfendable» le demeurait encore aujourd'hui.

M. Bégin a récemment écrit aux députés qui siégeaient en décembre 2000 pour leur demander de s'excuser à M. Michaud. Il n'a pas reçu de réponse des députés libéraux, à part deux accusés de réception envoyés automatiquement par courriel. Il n'a pas reçu non plus d'accusé de réception de Lucien Bouchard, qui était chef du PQ à l'époque.

M. Bégin insiste pour dire que sa démarche est non-partisane et que sa lettre était apolitique. Selon lui, l'Assemblée nationale doit changer son règlement. Il s'agit d'une «nécessité» et d'une «obligation morale» envers les parlementaires et l'ensemble des citoyens pour éviter qu'on ne condamne injustement une personne pour des propos qui lui sont attribués.

L'ex-ministre de la Justice ajoute que le code criminel prévoit déjà des sanctions pour les propos haineux ou diffamatoires. «Le rôle de l'Assemblée nationale n'est pas d'être un tribunal des pensées des gens», soutient-il. Il ajoute que chaque journée, des Québécois disent des «âneries», sans que l'Assemblée nationale ne doive pour autant les condamner.

Fournier contre un changement

Le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier, maintien sa position. Selon lui, l'Assemblée nationale n'a pas agi comme un tribunal. La motion ne blâmait pas M. Michaud, mais plutôt ses propos, a expliqué M. Fournier aujourd'hui en interview à La Presse.

Et il fallait dénoncer les propos de M. Michaud, estime M. Fournier. «Il faut considérer tout ce qu'il a dit cette journée-là. Il avait justifié les propos de Parizeau en 1995 en distinguant entre les bons québécois qui avaient voté oui, et les autres.» Selon M. Fournier, Yves Michaud avait fait la promotion du nationalisme ethnique.

Il ajoute que Lucien Bouchard avait mis en garde Yves Michaud. «Mais il en avait ensuite rajouté», se souvient M. Fournier.

M. Fournier indique qu'il n'y a «pas de mot d'ordre» au PLQ pour refuser de s'excuser à Michaud. Les députés agissent ainsi par conviction, assure-t-il.

M. Fournier s'objecte aux modifications proposées par son prédécesseur, Paul Bégin. «Ce serait jouer le jeu de ceux qui veulent changer l'histoire et imposer leur vision de l'affaire Michaud», explique-t-il. De plus, il croit que les élus doivent garder cette latitude pour pouvoir dénoncer unanimement des propos ou décisions quand cela leur semble approprié.