Le lock-out au Journal de Montréal, qui dure depuis près de deux ans, a démontré la nécessité de «dépoussiérer» les dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail, estime le Parti québécois. Il a déposé un projet de loi en ce sens hier, reprochant au gouvernement Charest de tergiverser.

En vertu du projet de loi 399, il serait interdit pour un employeur «d'utiliser à l'extérieur de l'établissement où une grève ou un lock-out a été déclaré, les services ou le produit du travail» d'un salarié, d'un entrepreneur, d'une personne morale ou d'une personne à l'emploi d'un autre employeur dans le but de remplir les fonctions d'un salarié impliqué dans le conflit de travail.

Selon le député péquiste Guy Leclair, si la mesure était en vigueur maintenant, elle «empêcherait» Quebecor de recourir à l'agence QMI, dont elle est propriétaire, pour remplir les pages du Journal de Montréal.

Les «méchantes lacunes» du Code du travail font en sorte que l'équilibre des forces est rompu en faveur des employeurs, a expliqué M. Leclair. Les dispositions anti-briseurs de grève datent de 1977. Or les nouvelles technologies ont changé la donne, a noté M. Leclair.

Il accuse la ministre du Travail, Lise Thériault, de tergiverser dans ce dossier. «Elle continue de dire: on étudie, on étudie... Nous, on veut absolument que ça bouge, et c'est le temps de passer à l'action», a-t-il affirmé. Le gouvernement n'a pas l'intention de faire cheminer le projet de loi péquiste à l'Assemblée nationale.

Au cours d'un entretien avec La Presse, Lise Thériault a affirmé qu'elle est «en train de regarder et d'analyser» toute cette question des dispositions anti-briseurs de grève. «Mais quand on rouvre un document comme le Code du travail, il faut le faire correctement. Il faut voir s'il n'y a pas autre chose aussi, car des demandes au niveau du Code, il y en a vraiment beaucoup», a-t-elle dit.

Or la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, juge que le gouvernement n'a pas à faire un «cadeau au patronat» dans le Code du travail en contrepartie de modifications aux dispositions anti-briseurs de grève. Mme Carbonneau, qui représente les lock-outés du Journal de Montréal, a accueilli «avec enthousiasme» le projet de loi 399. «C'est devenu un jeu d'enfants de traverser de façon virtuelle un piquet de grève», a-t-elle déploré.

Le Conseil du patronat (CPQ) et la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ) ont condamné le projet de loi péquiste. Pour la FCCQ, «si jamais le gouvernement devait envisager une telle mesure, il est essentiel que l'ensemble du Code du travail soit discuté» et réformé, car celui-ci est «nettement favorable au pouvoir syndical». «Les dispositions actuelles relatives à la notion de travailleur de remplacement créent déjà un déséquilibre très favorable à la partie syndicale», estime de son côté le CPQ.