En laissant planer la menace d'un recours judiciaire, Jean Charest a exigé dimanche que le chef de l'Action démocratique du Québec, Gérard Deltell, s'excuse de l'avoir associé au «parrain» de la mafia italienne.

«Le dénigrement n'est pas un projet politique», a dit M. Charest au point de presse clôturant le conseil général de son parti, lequel a réuni 500 délégués à Lévis. «Le dénigrement personnel utilisé systématiquement comme outil de combat politique, c'est inacceptable. C'est là que ça dérape. Ça ne peut être un projet politique de dire: de mon côté, je vais dénigrer l'autre.»

Des poursuites? «Je n'en suis pas là. Je m'attends à ce que M. Deltell fasse le seul geste acceptable et se rétracte. Il a la journée pour le faire», a soutenu M. Charest quand on lui a annoncé le refus de son adversaire de retirer son allégation. M. Charest a déposé, le printemps dernier, une poursuite en libelle contre Marc Bellemare et réclamé 700 000$ pour avoir été diffamé par son ancien ministre qui l'avait traité de «menteur», une allégation bien moins lourde.

Plus tôt en journée, Gérard Deltell a refusé de s'excuser pour avoir assimilé le premier ministre à un chef mafieux. «Bien au contraire, je me tiens debout devant les déclarations que j'ai faites», a-t-il affirmé.

Samedi, en ouverture du congrès de l'ADQ à Granby, M. Deltell a qualifié M. Charest de «bon parrain du Parti libéral». Il a maintenu ces propos dimanche. Et il en a même ajouté, en parlant d'une «loi du silence» qui aurait dissuadé les militants libéraux de demander une enquête publique sur l'industrie de la construction.

Pourquoi avoir qualifié M. Charest de «parrain» ? «C'est quelqu'un qui est à la tête d'une grande famille et qui prend soin de sa grande famille. Le problème, c'est que c'est la famille québécoise qui paie pour ça», a répondu M. Deltell.

Le chef de l'ADQ a peiné à expliquer en quoi le premier ministre était comparable à un chef mafieux. Il a expliqué qu'on pouvait être «parrain» d'un projet de loi. Il assure ne pas être allé trop loin. «Celui qui va trop loin, c'est le premier ministre, qui refuse d'écouter les Québécois, qui refuse de tenir une commission d'enquête.»

À Lévis, M. Charest s'est dit estomaqué d'apprendre que M. Deltell n'avait pas échappé ces propos, que cette sortie, prévue, se trouvait dans le discours distribué aux journalistes présents au congrès adéquiste. «C'était délibéré», a-t-il tranché.

«Ces propos sont totalement inacceptables, c'est un dérapage complet. M. Deltell s'attaque à tous les libéraux du Québec, aux instances, au gouvernement», selon Jean Charest. Le Parti québécois avait lancé le bal la semaine dernière à l'Assemblée nationale. «C'est devenu l'habitude des deux partis de l'opposition» d'associer le gouvernement libéral au monde interlope, dans la fébrilité du débat sur l'industrie de la construction. «On peut être en désaccord, mais quand on en vient à dire que ceux qui s'opposent à nous sont malhonnêtes, si c'est le genre de société que veut le PQ, je ne voudrais pas vivre dans cette société», a soutenu M. Charest.

Sans détour, il s'est décrit comme «victime» de ces manoeuvres. «Il s'agit de quoi, un désaccord sur les moyens à employer pour combattre le crime? Ne pas être d'accord sur les moyens, c'est de la politique. C'est cela, le débat politique. Si celui qui n'est pas d'accord avec vous est un criminel, cela va trop loin. C'est là que ça dérape. C'est blessant», a dit M. Charest.  La semaine dernière, le député péquiste Stéphane Bergeron avait accusé le gouvernement d'être «complice» de la mafia. «Les députés libéraux ont vivement réagi», a soutenu M. Charest.