Le Parti libéral du Québec a refusé catégoriquement de débattre de l'opportunité de déclencher une enquête sur l'industrie de la construction ce matin. Un silence glacial s'est abattu sur la salle où se trouvaient 500 délégués libéraux quand un militant de Groulx, Martin Drapeau, a demandé si quelqu'un seconderait sa proposition en faveur d'une telle enquête. A défaut d'appui, sa proposition destinée à «crever l'abcès» a été reléguée aux oubliettes.

«On entend dire souvent qu'il ne faut pas faire exprès pour perdre les élections. Mais je pense qu'au stade où on en est, même s'il n'y a pas de commission d'enquête, les chances sont fortes qu'on soit dans le trouble assez rapidement», a laissé tomber M. Drapeau impassible après la défaite.

Ce militant environnementaliste avait, il y a quatre ans, fait partie des opposants à la privatisation du parc du Mont-Orford. Il s'est dit étonné du niveau d'unanimité des militants sur cette question qui mobilise l'opinion au Québec.

Il a répété ses arguments, déjà rapportés dans une longue entrevue publiée par La Presse et Cyberpresse. Pour lui, les allégations sur les liens entre l'industrie de la construction et le crime organisé doivent être tirées au clair. Il ajoute que l'enquête policière a ses limites. «La seule façon de limiter au maximum ces pratiques est de les étaler au grand jour dans une commission d'enquête». Des élus peuvent être éclaboussés convient-il «mais même si cela envoie notre parti dans l'opposition pour huit ou dix ans, il faut avoir le courage de tenir quand même cette enquête».

«Il y a quelque chose qui n'est pas normal là-dedans. Je me serais attendu à ce que quelqu'un dise: "on pourrait à tout le moins en débattre"», a-t-il renchéri samedi matin après que sa proposition ait fait long feu.

«Les gens veulent maintenir l'influence du Parti libéral, moi aussi je crois beaucoup au parti. Je ne peux pas dire que c'est pour ramener la popularité au parti, c'est pour ramener la crédibilité du gouvernement comme institution, pour sauvegarder la démocratie», soutient M. Drapeau, premier québécois à l'emporter en cour contre une compagnie de construction qui voulait le faire taire par une poursuite abusive.

Pour lui, Québec hésite à tenir une commission d'enquête entre autres parce qu'on craint que des gens soient éclaboussés injustement. Mais selon lui, le PLQ se fait plus de tort en refusant de parler. «La démocratie a eu des meilleurs jours qu'aujourd'hui», résume-t-il.

Pour l'ancien policier Guy Ouellet, député de Chomedey, il faut à tout prix éviter une commission d'enquête qui nuirait au travail des policiers. Il était à la SQ quand le ministre péquiste Serge Ménard refusait jour après jour de déclencher l'enquête publique que réclamaient les libéraux de Jean Charest, et le critique libéral Jacques Dupuis sur le problème des motards criminalisés. «S'il y avait eu une enquête publique, «Mom» Boucher serait encore dehors aujourd'hui, on serait encore pris avec le chaos et il y aurait d'autres innocentes victimes», croit M. Ouellet.

Plus tard les militants libéraux ont approuvé une résolution de la commission politique du PLQ, préconisant la mise en place d'un comité pour «revoir la rémunération des députés». Membre de l'exécutif du PLQ, Robert Dobie est allé au micro pour que cette proposition soit mise au rancart, en vain. «Tout est une question de timing, actuellement le premier ministre et la présidente du Conseil du trésor lancent un appel à la restriction. On se tire dans le pied si on va de l'avant avec une hausse de salaire des élus, c'est une question de perception», a lancé le vétéran libéral, dont la proposition a été battue par une forte majorité..

Pour l'ancien président des jeunes du PLQ, Simon Bégin, «il ne faut pas avoir peur des débats». Le mouvement de ressac dans l'opinion publique a déjà eu lieu selon lui.

Les libéraux ont aussi approuvé l'idée de la création d'un «titre de journaliste professionnel», accordé aux journalistes qui devront en retour se plier à un code déontologique. On indique que le titre devra être accordé ou retiré par un regroupement complètement indépendant du gouvernement.

L'aile parlementaire du PLQ, députés et ministres, a toutefois été défaite de justesse par les militants qui ont majoritairement approuvé une résolution proposant l'élection au suffrage universel direct des préfets de MRC, actuellement élus par les maires des municipalités. Même l'ex-ministre des Affaires municipales, Nathalie Normandeau est venue s'opposer à l'idée, peine perdue.

Par ailleurs le PLQ a formé quatre comités thématiques pour préparer le contenu de son prochain congrès, prévu pour octobre 2011. L'ancien député adéquiste Simon-Pierre Diamond, candidat libéral battu dans Vachon s'occupera d'un groupe discutant d'éducation et d'environnement. La question de la mondialisation est confiée à l'ancien ministre, constitutionnaliste Benoît Pelletier. La pharmacienne Caroline Trudel, et l'organisateur d'un tournoi de golf, David Skitt s'occuperont respectivement de santé et d'économie.

Il n'y aura pas de vote de confiance sur le leadership de Jean Charest au congrès de 2011 a expliqué le président du PLQ, Marc Tanguay. Le précédent rassemblement, tenu il y a deux ans, tout de suite après les élections avait montré un appui de 95 % à Jean Charest comme chef du PLQ.