Jean Charest suspend la réforme de la carte électorale amorcée par le directeur général des élections (DGE), Marcel Blanchet.

Le premier ministre renonce en même temps à son projet de loi 92 sur la carte électorale. Il s'engage à soumettre une nouvelle proposition d'ici au 15 mars et invite tous les partis de l'opposition à l'imiter.

«Ils ne peuvent plus se contenter de critiquer», a expliqué M. Charest jeudi en point de presse, accompagné de membres de la Coalition pour le maintien des comtés en région.

Le gouvernement cherche un consensus pour changer la carte électorale, une décision lourde de conséquences. Une fois qu'il aura reçu les propositions des différents partis, M. Charest s'engage à trouver un compromis. Il souhaite faire adopter la réforme à l'unanimité d'ici la fin juin.

«C'est une bonne chose que M. Charest retire son projet de loi, mais on pourrait s'entendre beaucoup plus vite que ça! De plus, on a déjà perdu un an à cause du projet de loi 92», a lancé le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard.

La loi électorale fixe à 125 le nombre de circonscriptions au Québec. Elle interdit aussi que le nombre d'électeurs dans une circonscription dépasse de plus de 25% la moyenne québécoise. Comme il y a en moyenne 40 000 électeurs par circonscription, c'est donc dire qu'aucune ne devrait compter plus de 50 000 électeurs.

Or, en raison du dépeuplement des régions et de la croissance des banlieues montréalaises, 27 des 125 circonscriptions ne respectent pas la loi.

Par exemple, Gaspé compte 27 000 électeurs. Dans Masson, au nord de Montréal, il y en a plus du double (64 000).

Le gouvernement a refusé jusqu'ici de supprimer des circonscriptions en région parce que deux principes entrent en contradiction: la représentation de la population et la représentation effective des régions. «Des députés doivent déjà parcourir 400 km pour traverser leur circonscription», a fait observer jeudi Serge Fortin, membre de la Coalition pour le maintien des comtés.

Par exemple, les citoyens d'une ville isolée de la Gaspésie ont moins accès à leur député que les Lavallois. Si on fait disparaître des circonscriptions en région, cet accès diminuera encore, prévient la Coalition.

Dans le projet de loi 92, présenté l'an dernier, le gouvernement suggérait d'augmenter le nombre de circonscriptions. Celles des régions étaient maintenues, et on en ajoutait dans les zones en croissance démographique. Mais le PQ, qui estimait que le nombre de circonscriptions risquait d'augmenter à chaque élection, a voté contre.

Le gouvernement a reculé et le dossier est retourné dans les mains du DGE, qui devait proposer une réforme pour que la carte électorale respecte la loi. Sa solution: effacer trois circonscriptions en région et en créer trois, à Laval, en Montérégie et dans Laurentides-Lanaudière.

Le gouvernement l'a très sévèrement critiqué. La vice-première-ministre, Nathalie Normandeau, a qualifié son projet de «cuisant échec pour l'institution qu'est le DGE».

M. Blanchet a annoncé sa démission. Il partira officiellement en décembre. Il voulait d'ici là terminer son projet de réforme. Il ne pourra pas.

«Les décisions sont prises par les élus. C'est nous qui décidons et on doit assumer nos responsabilités» a justifié le premier ministre.