La Coalition contre la loi 103 dénonce avec vigueur la possibilité que le gouvernement Charest impose le bâillon pour forcer l'adoption de la loi sur les écoles passerelles à l'Assemblée nationale.

«C'est complètement inacceptable de faire adopter une loi comme celle-là, cruciale pour l'avenir du français, sans l'unanimité de  l'Assemblée nationale», lance le président de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal et porte-parole de la Coalition, Mario Beaulieu.

«Utiliser le bâillon serait vraiment une insulte pour le peuple québécois», ajoute-t-il.

La Coalition craint que le gouvernement se sente forcé d'agir ainsi pour éviter le vide juridique qui surviendra à compter du 22 octobre.

C'est en effet à ce moment que s'appliquera un jugement de la Cour suprême, rendant du coup invalide la loi 104 qui, elle, avait colmaté la brèche des écoles passerelles. L'absence de toute loi restrictive serait une tentation irrésistible, croit M. Beaulieu.

«On peut penser qu'il y a des centaines de parents qui vont s'empresser d'inscrire leur enfant à l'école publique anglaise lorsque la loi 104 ne s'appliquera plus. Dans le passé, certains envoyaient leur enfant seulement six mois dans une école passerelle pour ensuite déclarer que leur enfant avait fait la majeure partie de ses études en anglais, leur donnant le droit de passer à l'école anglaise publique, ainsi qu'à leurs frères et soeurs et leurs descendants», dit-il.

Le projet de loi 103, élaboré en réponse à la Cour suprême, ouvrirait cependant les portes des écoles anglaises privées non subventionnées à ceux qui en ont les moyens, conférant ainsi les mêmes droits.

L'écrivain Yves Beauchemin, qui soutient activement la Coalition, affirme que le danger d'érosion est évident.

«Quand tu as envoyé un enfant à l'école anglaise, que tu peux ensuite l'envoyer au réseau public anglais et que ce droit s'étend à ses frères et soeurs et aux descendants de tout ce monde, ça devient une progression exponentielle», affirme-t-il.

Il appréhende d'ailleurs le pire des scénarios.

«Je prévois (...) que des fondations vont apparaître comme par magie pour faire des dons à ces écoles privées non subventionnées anglaises et abaisser les frais de scolarité de façon à ce que tout le monde puisse en profiter. À un moment, même, on verra apparaître une fondation fédérale, du genre des bourses du millénaire, qui va abaisser encore davantage les frais de scolarité et la brèche dans la loi 101 sera béante», dit-il.

Pour l'auteur, l'alternative est très claire. «C'est tout simplement de faire appliquer la loi 101 aux écoles privées non subventionnées. Il ne faut pas jouer au fou là-dedans. Nous sommes deux pour cent de l'Amérique du Nord et nous essayons de sauvegarder notre langue et de la faire s'épanouir.»

Il ne cache d'ailleurs pas son amertume face à la manière dont la loi 104 a été invalidée.

«La Cour suprême s'est appuyée sur une constitution qui n'est pas acceptée par le Québec, qu'aucun gouvernement québécois depuis 1982 n'a accepté de reconnaître, pour annuler une loi qui avait été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. C'est terrible comme injustice», affirme-t-il.

La Coalition, qui qualifie l'opposition à la loi 103 de quasi unanime, entend porter son message devant les bureaux montréalais du premier ministre Jean Charest sous la forme d'une manifestation-spectacle, le lundi 18 octobre, à 18h.

Plusieurs artistes participeront à l'événement, dont Daniel Boucher, Julien Poulin et Gilles Bélanger, mais aussi des porte-parole d'organismes de défense du français, de partis politiques et des leaders syndicaux, notamment.