Le gouvernement Charest déposera aujourd'hui un projet de loi pour donner plus de pouvoirs au Directeur général des élections (DGE). Fait surprenant: il n'a pas consulté au préalable le DGE et son comité consultatif, contrairement à la procédure habituelle.

Au cours des dernières semaines, le secrétariat à la Réforme des institutions démocratiques, qui relève du ministre de la Justice Jean-Marc Fournier, a joint un légiste du DGE pour lui demander de «faire des commentaires sur les grandes orientations» du projet de loi. Ce dernier a refusé, soulignant que ces orientations doivent être présentées au comité consultatif, qui réunit le DGE et les représentants des partis politiques représentés à l'Assemblée nationale, a raconté hier une porte-parole du DGE, Cynthia Gagnon.

Le ministre Fournier n'a pas fait part de ses intentions au comité consultatif. Or, par le passé, le gouvernement l'a toujours fait, dans le but d'arriver à des consensus, selon Mme Gagnon. Le ministre a annoncé hier le dépôt prochain de son projet de loi au feuilleton de l'Assemblée nationale, à la rubrique des nouveaux préavis, comme le veut la procédure parlementaire. Le secrétariat à la Réforme des institutions démocratiques a prévenu le DGE lundi que le projet de loi serait déposé cette semaine.

En fin d'après-midi à l'Assemblée nationale, le leader parlementaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, a accusé le gouvernement «d'arriver tout d'un coup du champ droit» avec un projet de loi «dont personne n'a entendu parler». Il s'est demandé pourquoi le ministre n'a pas prévenu le comité consultatif, ce qui aurait été son devoir selon lui. «Ce projet de loi-là n'a pas suivi le processus qu'il aurait dû suivre. Il n'ira nulle part, je vous le dis tout de suite», a tonné M. Bédard.

Jean-Marc Fournier a cherché à se faire rassurant. «Je peux déjà annoncer au leader de l'opposition qu'il sera satisfait de ce qu'il entendra» aujourd'hui quant au contenu du projet de loi, a-t-il dit. Selon lui, «les règles sont tout à fait suivies» par le gouvernement. Le comité consultatif se penchera sur le projet de loi après son dépôt à l'Assemblée nationale. «Je ne vois pas où est, dès le départ, le conflit. (...) Ce que nous cherchons, c'est d'avoir le travail de tous les parlementaires, pas de jouer des tours, pas de passer par en dessous», a-t-il affirmé.

Le gouvernement Charest a déjà déposé, il y a presque un an, un projet de loi pour resserrer les règles de financement des partis politiques. Il n'a toujours pas ramené ce projet de loi en commission parlementaire pour poursuivre son étude détaillée.

Le projet de loi attendu aujourd'hui vise à «augmenter les pouvoirs de contrôle» du DGE. Me Marcel Blanchet - qui quittera ses fonctions le 31 décembre - réclame depuis des années des pouvoirs plus importants. Il milite surtout pour le remplacement du crédit d'impôt actuel pour contributions politiques, administré par Revenu Québec, par un autre qu'il gérerait lui-même. Il aurait ainsi le contrôle sur toute l'administration des contributions.

Les donateurs seraient tenus de certifier par écrit que la contribution pour laquelle ils réclament un crédit est faite «à partir de leurs propres biens, volontairement, sans compensation ni contrepartie» et qu'elle ne fera l'objet d'aucun remboursement. L'objectif est de lutter contre l'utilisation de prête-noms par des entreprises pour contourner la loi et financer les partis politiques. En 2007, un groupe de réflexion réunissant le DGE et des représentants du PLQ, du PQ et de l'ADQ avait confirmé le «bien-fondé d'un tel système».

Le gouvernement Charest augmente les pouvoirs du DGE au moment même où Québec solidaire fait de nouvelles allégations sur l'utilisation de prête-noms pour financer le Parti libéral. Cette semaine, le député Amir Khadir a indiqué que, selon ses recherches, environ 30 cadres et ingénieurs de la firme Roche ont versé 227 000$ au PLQ entre 2000 et 2009; environ 45 000$ au PQ. Il se questionne sur l'existence possible d'un système de prête-noms, une allégation que Roche réfute.

En mars, M. Khadir avait révélé que des dirigeants et des employés de Axor, BPR, Cima + et SNC-Lavallin avaient versé près de 400 000$ au PLQ en 2008; des sommes moins importantes au PQ et à l'ADQ. En août, Axor a reconnu sa culpabilité à 40 constats d'infractions émis par le DGE. Les dons illégaux totalisaient 152 500$: 113 500$ au PLQ, 34 000$ au PQ, 5000$ à l'ADQ.