L'ancien directeur général des élections, Pierre-F.Côté, s'est scandalisé vendredi que trois ministres aient successivement laissé entendre, au cours des derniers mois, que des entreprises pouvaient financer le Parti libéral du Québec.

M. Côté, qui a exercé la fonction de DGE pendant 19 ans, s'est dit renversé de voir que des personnes ayant leurs responsabilités aient pu faire de telles déclarations, présentées ensuite comme des «lapsus» par les principaux intéressés.

Selon M. Côté, les trois ministres libéraux ont fait preuve d'une «ignorance inexcusable» en tenant ces propos, qui ont attiré l'attention des vérificateurs et enquêteurs du DGE.

«Il faut s'inquiéter de l'exemple que ça peut donner, parce qu'ils donnent l'impression de traiter ça avec légèreté, a-t-il dit lors d'une entrevue à La Presse Canadienne. Je trouve ça très étonnant, surprenant et je trouve que c'est scandaleux de leur part de parler de cette façon-là.»

En dévoilant les conclusions de ses vérificateurs, cette semaine, le DGE a révélé que des irrégularités avaient été commises dans l'association de circonscription du ministre délégué aux Transports, Norman MacMillan.

Outre le remboursement de 4000 $ de frais sans pièces justificatives, les vérificateurs ont aussi constaté que huit contributeurs étaient domiciliés à l'adresse de leur entreprise, ce qui ne constitue cependant pas une preuve que les libéraux ont reçu du financement illégal.

L'automne dernier, M. MacMillan avait déclaré que les entreprises pouvaient contribuer aux partis politiques, ce qui est contraire à la loi.

Des propos semblables ont aussi été tenus par la ministre de l'Éducation, Michelle Courchesne, et la ministre des Transports, Julie Boulet.

À la suite d'une vérification auprès de l'association libérale de la circonscription de Mme Boulet, les enquêteurs du DGE ont poursuivi leur travail mais leur démarche n'est plus liée à la ministre ni à l'instance.

Dans le cas de Mme Courchesne, une vérification est toujours en cours.

Les contournements de la loi difficiles à cerner

Même si M. Côté a déclaré vendredi que les déclarations des trois ministres ont permis de sensibiliser l'opinion publique à la situation, il croit néanmoins que ce type de «lapsus» n'est pas souhaitable.

«Si ça permet d'éclairer davantage les électeurs et susciter de l'étonnement de la part de tout le monde, ça peut être bénéfique, a-t-il dit. Mais il ne faudrait pas que des excès de candeur de cette nature se produisent trop souvent.»

En vertu de la loi électorale, en vigueur depuis plus de 30 ans, seuls les électeurs peuvent contribuer aux partis politiques.

M. Côté, qui a inauguré la fonction de DGE en 1978, a affirmé qu'il est extrêmement difficile de déceler les situations où les entreprises contournent la loi en remboursant à leurs employés des dons aux diverses formations.

«C'est difficile à prouver parce que les dirigeants d'entreprises qui font ça ont la prudence de faire disparaître ça dans différents comptes, dans des primes au rendement, des remboursements de voyage, a-t-il dit. Il y a 1000 façons de diluer ça dans différents coins du budget de l'entreprise, pour qu'on ne sache pas ce qui s'est passé.»

L'ampleur de la tâche est telle qu'une augmentation des effectifs du DGE n'aurait pas nécessairement d'impact déterminant, a indiqué M. Côté, qui mise davantage sur l'effet dissuasif d'une publicité négative, pour les fautifs.

«Ça prendrait trop de monde et ça prendrait trop de temps, a-t-il dit en parlant des effectifs. Je pense qu'il faut en parler de plus en plus et dénoncer les cas qui se produisent quand on peut le faire pour attirer l'attention des citoyens ordinaires. Les entreprises vont être plus réticentes face à leurs pratiques douteuses.»